Les mécanismes qui promeuvent l'identité (IV)

31/10/2011| IslamWeb

A – Du point de vue religieux

 
L’importance des éléments qui ont été soulignés en tant que références de l'identité (les finalités de la Charia, les constantes et les variables, la jurisprudence des avantages et des inconvénients, la voie du juste  milieu) ne fait aucun doute. Car il s’agit d’éléments qui renforcent et consolident l'identité non pas en la protégeant contre le brassage avec les autres cultures et religions qui, s’il était pertinent à une époque donnée ne l'est plus aujourd’hui, mais en la protégeant par le renforcement de son aspect religieux pour qu’elle résiste mieux à l’aliénation et pour qu’elle ne fonde pas au premier coup.
 
Nous allons à présent énumérer certains points qui montrent la valeur de cette protection :

1 – La Charia recommande, parmi ses finalités, qu’au lieu de repousser les peuples, il faut vivre parmi eux pour mieux les connaître
 
Parmi les faits que le Coran a solidement établis et clairement définis, il y a le fait que le brassage et le croisement entre les peuples est un objectif prioritaire de la Charia. Le Tout Puissant dit : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur » (Coran : 49/13).
 
Or, la Charia ne s’assigne jamais un objectif qui, par la suite, pourrait se révéler préjudiciable à notre identité. Il est bien évident que si nous protégeons bien et correctement notre identité, elle ne souffrira guère du contact avec les autres identités d’autant plus qu’un tel contact constitue un objectif recommandé par notre religion et que donc, une fois accompli, est susceptible de nous en rendre plus fiers. Toujours est-il que nous pouvons employer et faire perpétuer ces mêmes moyens de communication dont on dispose aujourd’hui pour mieux protéger notre identité contre la fragilité ou l’effacement.

2 - Les prédécesseurs et le contact avec d’autres idées et identités
 
Quiconque examine de près la biographie de nos prédécesseurs verra des modèles brillants et des réalités lumineuses, reflétant les efforts considérables consentis pour prendre connaissance de ce que font les autres ! Force est de constater que l'identité de nos prédécesseurs a été considérablement renforcée par les efforts qu’ils ont entrepris telle la traduction du patrimoine des différentes civilisations, sa fonte et son exploitation pour en tirer le meilleur profit.

Mieux, ils ne se sont pas limités au profit qu’ils ont tiré. Ils ont certes bénéficié, mais ils ont fait bénéficier les autres. Or il n’y a rien qui empêche la répétition de cette fertilisation ou exploitation de tout ce qui est bénéfique et utile.
Ainsi, bien qu’il soit le fils de l'Europe depuis son passé glorieux, Aristote, avec ses chefs d’œuvres, est resté inconnu de celle-ci jusqu'à l'arrivée de l'adepte de l’Islam, Ibn Rushd, qui se mit à dépoussiérer la pensée de ce philosophe et à expliquer ses livres et ses idées. C’est alors que l'Europe a commencé à tirer gloire d’Aristote et à en être fière après l’avoir ignoré, lui et ses idées, pendant des siècles. Qu'est ce qui empêche de faire la même chose aujourd’hui ?
 
3 – Jurisprudence des avantages et des inconvénients

Comme déjà indiqué, les nations et les peuples ne restent jamais dans la même situation de progrès et de développement. Ils sont sujets aux lois immuables et inchangeables d’Allah le Tout Puissant qui dit : « Ainsi faisons-Nous alterner les jours (bons et mauvais) parmi les gens » (Coran : 3/140).
Si, dans ses beaux jours, la Oumma a eu besoin de la jurisprudence des inconvénients et des avantages, elle en a encore plus besoin quand elle devient faible et régressive, tant le corps malade est plus vulnérable devant les maladies et les chocs que le corps fort et sain !
 
L’histoire a retenu que, pendant la décadence de la Oumma lors de la domination de l'armée des Tatars sur une grande partie de celle-ci, un groupe d’oulémas et d'étudiants en sciences a passé à côté d’une assemblée où il y avait quelques-uns des chefs tatars en train de consommer de l’alcool ! Sur ces entrefaites, les oulémas et les étudiants ont lancé des cris fustigeant les Tatars pour leurs mauvais comportements ! Alors Cheikh al Islam ibn Taymiyya s’est mis à les critiquer pour avoir pris l’initiative de reprocher à ces gens la consommation de l'alcool, en leur disant : « Laissez-les ! La consommation de l'alcool n’a été interdite que parce qu’elle dissuade de la prière et du souvenir d'Allah ! Pour ces gens elle les dissuade de faire couler le sang des musulmans ! ».
En effet, Cheikh Al-Islam a fait usage de cette jurisprudence qui pèse et soupèse les avantages et les inconvénients ! Il ne s’est pas seulement abstenu de leur adresser le moindre reproche pour leur consommation d'alcool, mais il a critiqué ceux qui ne s’en sont pas abstenus ! Pourquoi ?! Parce que la préservation du sang des musulmans est prioritaire par rapport à la consommation de l'alcool, même s’il s’agit de deux maux dont l’un est plus grave que l'autre !

La jurisprudence de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients est prévue aussi bien dans le Coran que dans la Sunna. Le Tout Puissant a dit : « N'injuriez pas ceux qu'ils invoquent, en dehors d'Allah, car par agressivité, ils injurieraient Allah, dans leur ignorance
 » (Coran : 6/108). Ainsi, même si l’insulte des idoles est une bonne œuvre elle peut, tout de même, entraîner des conséquences graves telle l’insulte d’Allah et, par conséquent, autant l’éviter !
 
Les exemples de cette jurisprudence fondée sur la prise en compte des intérêts ne manquent pas. On peut citer ce qui est arrivé lorsque l'un des hypocrites a insulté le Messager d'Allah(). Dès qu’ils ont appris la nouvelle, certains des compagnons du Prophète () – y compris le fils même de l’hypocrite en question – ont réclamé la permission de le décapiter ! Mais le Prophète () a dit : «Laissez-le ! Ne donnez pas aux autres l’occasion de dire que Muhammad tue ses compagnons ». Cette prise de position relève de l’application de la jurisprudence de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients. En effet, le Prophète () a examiné la situation de l’Islam sur la terre et en a conclu qu’elle est plus prioritaire que l’enterrement, dans le vaste désert, d’une personne de surcroît hypocrite ! Un acte qui pourrait faire dire aux mauvaises langues que la vocation du Prophète () est de tuer ses compagnons et donc il est inimaginable que son appel soit entendu !
Si seulement certains de nos enfants aujourd'hui savaient que leur jurisprudence, qui ne prend pas en compte cet aspect, leur fait mal aussi bien à eux qu’à leurs familles et à leur nation, mais aussi à la prédication de l'Islam dans son ensemble !
Ce sont là donc des idées que je soumets au lecteur, en guise de contribution dans cette étape sur la voie d'un nouveau discours religieux, bien intégré dans les constantes de la Charia, ajustable dans ses variables, respectant les finalités visées par Allah et, en matière de choix, prenant en compte les avantages et les inconvénients, mettant en avant les priorités, toujours considérant que ce qui compte c’est la fin.
 
Je précise enfin que ce qu’il y a de correct et de pertinent dans mon exposé est l’œuvre d’Allah et que ce qui ne l’est pas est ma propre œuvre et j’en suis responsable. Je demande pardon à Allah tout en le priant de vous récompenser pour la lecture de cette exposé Lui Qui dit : « Et dis : “Œuvrez, car Allah va voir votre œuvre, de même que Son Messager et les croyants, et vous serez ramenés vers Celui Qui connaît bien l'Invisible et le Visible. Alors Il vous informera de ce que vous faisiez” » (Coran : 9/105).

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