Règles relatives à l’invocation de qui a subi une injustice contre qui en est l’auteur

14-9-2024 | IslamWeb

Question:

J’étais d’un haut niveau à l’université et conformément à la loi, le premier de la promotion est désigné en tant qu’assistant de recherche à l’université. Une camarade de classe s’est efforcée de prendre ma place en trichant aux examens et en ayant recours à une recommandation du doyen de la faculté. Malgré cela, j’ai obtenu une meilleure note qu’elle, et finalement, c’est elle qui a été désignée par népotisme au poste d’assistant de recherche.
Maintenant, j’invoque Allah contre elle de sorte qu’elle ne se marie pas pour la priver d’une chose importante dans la vie comme elle m’a privée de devenir docteure à l’université. Est-il permis de faire cela ou non ?

Réponse:

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
S’il est avéré que cette camarade de classe a obtenu ce poste par des voies non légales, elle a commis un grand péché, mais cela n’implique pas forcément qu’elle a commis une injustice envers vous particulièrement tant que vous n’aviez pas occupé ce poste qui vous aurait été spécifiquement attribué et dont elle vous aurait privé.
Sur ce, nous ne sommes pas d’avis que vous pouvez invoquer contre elle. Et si vous devez vraiment le faire, faites une invocation d’ordre général contre qui a commis une injustice contre vous puisqu’il est permis à une personne victime d’une injustice d’invoquer contre celui qui l’a commise de sorte qu’Allah se venge de lui. Mais, ce faisant, il ne convient pas de désigner une vengeance en particulier afin de ne pas transgresser dans l’invocation si la demande n’est pas équivalente à l’injustice subie.
Al-Suyûtî Al-Ruhaybânî Al-Hanbalî a dit dans son livre Matâlib Ûlî Al-Nuhâ Fî Sharh Ghâyat Al-Muntaha : « Le Cheikh Taqî Al-Dîn a dit : Qui subit une injustice a le droit de solliciter un homme pour repousser cette injustice, mais il serait mieux pour lui de solliciter son Créateur au lieu de demander l’aide à une créature ! Il a aussi le droit d’invoquer contre celui qui l’a lésé à hauteur de la douleur de l’injustice.
Il n’est pas permis d’invoquer contre un individu qui l’a insulté pour qu’il devienne mécréant puisque cette demande va bien au-delà du préjudice subi. S’il ment à son sujet, il ne doit pas mentir le concernant, mais invoquer Allah qu’il lui arrive la même chose. Il en est de même s’il affecte sa religion, lui ne doit pas en faire autant, mais plutôt invoquer Allah contre celui-ci pour qu’il lui en arrive autant par le biais d’un autre moyen. C’est ce qu’implique la parité, et il est mieux de faire preuve de scrupule dans ce cas. Ahmad a dit : ‘’ L’invocation est un talion, qui invoque contre celui qui lui a fait subir une injustice n’a pas patienté.’’ Il entend par là qu’il s’est rendu justice lui-même comme il a été dit dans ce hadith : « Celui qui invoque contre son oppresseur s’est vengé. » Rapporté par Tirmidhi selon Aisha. « Mais supporter patiemment le mal des autres » et ne pas se venger « et passer sur leur faute est sans aucun doute » cette patience et ce pardon sont « la meilleure attitude à adopter. » C'est-à-dire que c’est ce qui est requis sur le plan religieux. » Fin de citation.
Dans son livre Al-Furûq, l’imam Al-Qurâfî a dit : « Et lorsque nous affirmons qu’il est permis d’invoquer contre son oppresseur, il ne faut pas invoquer pour qu’il lui arrive du mal en ce monde alors que l’injustice qu’il a fait subir ne l’implique pas, de sorte que suite à son injustice, tu invoquerais pour qu’il en subisse une bien supérieure. Dans ce cas, c’est toi qui commettrais une injustice dans les proportions dépassant l’injustice que tu as subie. Allah, exalté soit-Il, dit : « […]. Alors, quiconque vous agresse, agressez-le en lui rendant la pareille. Craignez Allah, et sachez qu’Allah est avec les gens pieux. » (Coran 2/194). » Fin de citation.
L’imam Ibn Muflih dit dans son livre Al-Furû’ : « Si le péché de l’injuste a consisté à corrompre la religion de la victime, ce dernier n’aura pas le droit d’en faire autant. En revanche, il peut invoquer Allah qu’il lui arrive la même chose ! Il en est de même s’il ment à son sujet. Il n’a pas le droit de lui rendre la pareille, mais il peut invoquer Allah pour qu’Il l’éprouve par quelqu’un qui profère le même mensonge à son sujet ! Et ce, même si le mensonge est interdit, parce que si Allah le punit par le biais d’un tiers, ce n’est pas un mal émanant de la victime. En effet, il aura fait en sorte qu’il arrive à son oppresseur un acte équivalent à son agression. En revanche, il n’a pas le droit de le faire lui-même, cela est une mauvaise chose. » Fin de citation.
Bien qu’il soit permis à l’opprimé d’invoquer Allah qu’Il se venge de l’oppresseur, nous conseillons tout de même de vous en remettre à Allah. Ce bas monde n’est pas la fin de notre parcours. Pardonner à son oppresseur est un des plus hauts rangs spirituels de la religion. Seuls les vertueux choisis par Allah y parviennent. L’aboutissement de cette attitude est qu’Allah vous pardonnera le jour de la résurrection. Notre rétribution est de la même nature que notre action. Et Allah pardonne à ceux qui pardonnent.
Ce que vous devez également prendre en ligne de compte est que ce dont vous avez été privé en ce monde n’était pas forcément un bien pour vous. Au contraire, cela aurait pu s’avérer être un mal. Allah, exalté soit-Il, dit : « L’homme appelle le malheur sur lui avec le même empressement qu’il implore les faveurs du Seigneur. L’homme est par nature impatient. » (Coran 17/11).
La foi au destin et au décret divin implique de ne pas s’attrister et de ne pas être perturbé si une chose de ce bas monde nous échappe. Le Prophète () se soumettait à ce qu’Allah lui avait décrété et destiné. Il disait dans ses invocations : « Ô Allah, accorde-moi ton amour et l’amour de toute personne dont l’amour me sera utile auprès de Toi. Ô Allah, fais en sorte que les choses que Tu m’as données et que j’aime soient une force pour faire ce que Tu aimes. Ô Allah, fais en sorte que les choses que j’aime dont Tu m’as privées soient du temps supplémentaire pour faire ce que Tu aimes. » Rapporté par Tirmidhi qui le juge bon.
Et Allah sait mieux.

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