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Message d’un mort dans sa tombe

Message d’un mort dans sa tombe

Chers coreligionnaires en vie. Je m’appelle ‘Abdallah, même si mon nom, ma couleur, ma situation ou mon âge importent peu. Ou plutôt, ce dernier point est très important, car c’est là peut-être la faille qui m’a été fatale.

J’avais une vingtaine d’années. Je menais une vie désinvolte, sans avoir peur de rien. Et pourquoi en aurait-il été autrement, puisque j’étais au printemps de la vie, et en bonne santé. J’ai été leurré par ma jeunesse. Je connaissais beaucoup de jeunes comme moi qui avaient été surpris par la mort, et pourtant, je n’y avais pas réfléchi longtemps, car je ne me serais jamais imaginé être le suivant ou du moins je ne voulais pas l’imaginer, car cela aurait signifié que j’aurais dû abandonner les plaisirs dans lesquels je me vautrais.

Un seul incident me toucha plus que les autres : la mort de mon ami ‘Abd al-Rahmân à cause d’une overdose. En le déposant dans sa tombe et en la fermant, je me demandai ce qu’il allait faire sans son portable, sans son lecteur CD, sans les filles avec lesquelles il sortait et sans la cigarette qu’il ne quittait jamais. Mais je ne tardai pas à oublier ces réflexions.

Maintenant je vous écris à l’occasion du mois de Ramadan, et qui vous dira ce que c’est que le mois de Ramadan ! Mais Ramadan chez vous est différent de chez nous. A l’extérieur, Ramadan est célébrée avec les lumières, les guirlandes et le tapage, alors qu’ici, nous n’avons pas vu la lumière depuis notre arrivée et nous n’entendons que le sifflement des vipères et la voix des gens torturés.

Je vous écris à l’occasion du mois de Ramadan, et qui vous dira ce que c’est que le mois de Ramadan ! Si vous saviez ce que c’est, vous ne seriez pas négligent à son égard et ne laisseriez jamais passer une seconde sans faire une bonne action.

Quand je me souviens qu’au Ramadan dernier, j’étais encore en vie, je marchais, je bougeais, je plaisantais, je fumais et je sortais avec les filles, j’en meurs de remords… bien que je sois effectivement mort ! Quand je me souviens des jeux, des futilités, des mauvaises séances sur l’Internet, du narguilé que je fumais avec mes amis jusqu’au matin, les feuilletons et les chansons, je me dis (sens des versets) :

• « Malheur à moi ! Hélas! Si seulement je n’avais pas pris untel pour ami ! » (Coran 25/28) ;

• « Malheur à moi pour mes manquements envers Allah » (Coran 39/56) ;

• « Hélas ! Que n’ai-je fait du bien pour ma vie future ! » (Coran 89/24).

Je me souviens de ces jeunes gens qui s’installaient dans la mosquée avoisinante avec leurs visages illuminés et desquels je me moquais. Je me souviens qu’un jour, l’un d’eux m’appela et me dit : « Ô ‘Abdallah, viens ! C’est ton opportunité pour te rapprocher d’Allah, exalté soit-Il. Viens, tu ne le regretteras pas ! ».

Mais le mot « regret » est faible par rapport à ce que je ressens à présent ! Je me souviens du sermon du vendredi qui précéda l’arrivée du mois de Ramadan. Je l’entendis, alors que j’étais au lit, incapable de me lever, car j’y étais entré à 9 heures du matin. J’entends encore maintenant le prédicateur citer le hadith, dans lequel le Prophète () a dit :

« Quiconque parvient au mois de Ramadan et meurt sans que ses péchés ne lui aient été pardonnés, qu'il entre en Enfer et soit privé de la miséricorde d’Allah ».

Je l’entends encore dire : « Il se peut que ce Ramadan soit votre dernière chance de vous repentir, pour renaître et pour devenir un serviteur nouveau ».

Oui. C’était vraiment ma dernière opportunité, mais je ne m’en étais pas rendu compte et je n’avais rien fait. C’était ma dernière opportunité de tourner le dos à la musique insignifiante, aux feuilletons décadents et à une compagnie qui ne m’a apporté que le malheur. Et quel malheur ! Quelle terreur dans cette obscurité profonde et cette poussière suffocante !

Mes beaux traits ont été déformés, j’ai été dévoré par les vers, je n’ai laissé aucune trace visible et j’attends le châtiment qui surviendra à n’importe quel moment.
Si seulement j’avais su que la négligence de la prière me mettrait dans cette situation et que la compagnie des filles m’amènerait à cette fin !

Croyez-moi, mes coreligionnaires. Par Allah, cela n’en vaut pas la peine, vraiment pas. Réveillez-vous et faites attention, car le temps passe et vous serez peut-être le suivant.

Si vous craignez l’obscurité, que vous détestez la solitude ou que vous êtes incommodés par la poussière, c’est ici le dernier endroit de l’univers où vous aurez à vous rendre.

Une seule nuit dans la tombe est sans pareille. Ah ! J’ai oublié aussi de vous parler de l’étreinte de la tombe. Indescriptible, qu’Allah, exalté soit-Il, vous en protège.

Croyez-moi, vous jouissez maintenant d’un grand bienfait, car vous êtes des gens qui œuvrent sans avoir encore connu (la réalité de la mort), alors que nous sommes ceux qui savent sans pouvoir agir.

Mes frères, le sage est celui qui profite de l’expérience d’autrui et le bienheureux est celui qui en tire leçon.

Ce Ramadan peut être le dernier de votre vie. Soyez déterminé, préparez vos bagages et dirigez-vous vers votre Seigneur, exalté soit-Il, sans vous retourner.

Méfiez-vous de perdre ne serait-ce qu’un moment de ce mois, car nous avons entendu des gens ici qui disaient que le mois de Ramadan constituait pour eux une nouvelle naissance.

Ô Allah ! Qu’est-ce ? Un serpent ? Non ! Va-t-en ! Ô Allah ! Pitié ! Non !

‘Abd Allah ! ‘Abd Allah ! Réveille-toi, mon fils ! Qu’as-tu ?

Maman ! Qu’est-ce ? Où suis-je ? Qui es-tu ? Ma mère ? Oh, grâce à Allah ! C’était un cauchemar horrible ! Un rêve terrifiant ! Louange à Allah. Je suis encore en vie et je peux encore me repentir et observer la prière ! Louange à Allah ! Je peux lire le Coran et tenir compagnie aux vertueux ! Louange à Allah !

Quand Ramadan arrivera-t-il ? Où est la mosquée ? Casse ces CDs, ferme cet écran et fais sortir ce paquet de cigarettes de la chambre. Le serpent. L’obscurité. Les vers. Louange à Allah ! Louange à Allah !

Calme-toi, mon fils ! Peut-être qu’Allah, exalté soit-Il, t’a voulu du bien, en te faisant sortir de ton insouciance. Je vais te raconter une histoire qui ressemble à la tienne : Il y avait un homme qui s’appelait Dinâr al-‘Ayyâr. Il avait une mère vertueuse qui lui donnait des conseils, mais il ne les écoutait pas. Un jour, il passa par un cimetière. Il prit un os qui se transforma alors en poussière dans sa main. Il réfléchit et se dit alors : « Malheur à toi Dinâr, c’est comme si je voyais bientôt tes os devenir ainsi poussière et ton corps se transformer en terre ». Il regretta alors son laisser-aller et eut la ferme volonté de se repentir. Il leva alors la tête vers le ciel et dit : « Seigneur, mon Maître, je m’en remets à Toi pour tout ce qui me concerne, accepte-moi et fais-moi miséricorde ». Il se dirigea ensuite vers sa mère, le visage bouleversé et le cœur brisé, et dit : « Mère, que fait-on de l’esclave qui s’était enfui lorsque son maître le retrouve ? ». Elle répondit : « On lui donne des habits rugueux et une nourriture grossière et on lui attache les mains et les pieds ». Il lui dit : « Je voudrais une tunique en laine et des galette d’orge. Enchaînez-moi et faites de moi ce que l’on fait de l’esclave qui s’était enfui, peut-être que mon Seigneur verra mon humilité et me fera miséricorde ». Lorsque la nuit tomba, il se mit à pleurer à chaudes larmes en se disant : « Malheur à toi, Dinâr, peux-tu supporter le feu ? Comment t’es-tu exposé au châtiment du Tout-Puissant ? », et il demeura ainsi jusqu’au matin. Sa mère lui dit alors : « Aie pitié de toi-même », mais il lui répondit : « Laisse-moi donc me fatiguer un peu, pour que je puisse me reposer longtemps ensuite, ma mère. J’aurai demain à me tenir longtemps devant mon Glorieux Seigneur et je ne sais pas si sera donné l’ordre que je sois placé dans une ombre dense ou bien en Enfer ». Elle lui dit : « Mon fils, prends donc du repos ». Il lui répondit : « Je ne recherche que le repos. Mère, c’est comme si tu imaginais les créatures conduites demain au Paradis, et comme si j’étais conduit en Enfer avec ses habitants ». Elle le laissa alors dans son état. Il se mit à pleurer, à s’adonner aux actes d’adoration et à la lecture du Coran. Une nuit, il récita (sens des versets) : « Par ton Seigneur ! Nous les interrogerons tous sur ce qu’ils œuvraient » (Coran 15/92-93). Il médita ce verset et se mit alors à pleurer jusqu’à s’évanouir. Sa mère l’appela alors, mais il ne lui répondit pas. Elle lui dit alors : « Mon chéri, toi l’apaisement de mes yeux, où nous rencontrerons-nous ? ». Il lui dit d’une voix faible: « Ma mère, si tu ne me trouves pas sur le Lieu du Rassemblement le Jour du Jugement, demande de mes nouvelles à Mâlik, l’Ange gardien de l’Enfer ». Puis, il poussa un long soupir et mourut, qu’Allah lui fasse miséricorde. Sa mère sortit appeler les gens en leur disant : « Venez tous célébrer la prière funéraire pour celui qui est mort par crainte de l’Enfer ». Les gens vinrent de toute part. On n’avait jamais vu autant de gens ni de larmes plus abondantes que ce jour-là. Après l’avoir enterré, un de ses amis le vit en songe la même nuit marcher fièrement dans le Paradis portant une belle tunique verte. Il récitait (sens des versets) : « Par ton Seigneur ! Nous les interrogerons tous sur ce qu’ils œuvraient » (Coran 15/92-93), et disait : « Par Sa gloire et Sa puissance, Il m’a interrogé, m’a fait miséricorde, m’a pardonné et a effacé mes péchés. Informez-en ma mère ».

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