Asmaa : une résolution ferme et une foi intense 3
Abdallah Ibn Az-Zoubeir s’est réfugié dans la Mosquée Sacrée de La Mecque et est allé trouver sa mère qui était alors vieille et aveugle, et lui a dit : « Que la paix soit sur toi, mère, et la clémence et la grâce d'Allah. » « Et que sur toi soit la paix, Abdallah » répondit-elle. « Qu'est-ce qui t'amène ici à cette heure alors qu'au Haram (Mosquée Sacrée), les catapultes d'Al-Hadjadj font pleuvoir sur tes soldats des blocs de pierres qui secouent les maisons de La Mecque? ». « Je viens te demander conseil », dit-il. « Me demander conseil ? » s'étonna-t-elle. « A quel sujet? ». « Les gens m'ont abandonné par crainte d'Al-Hadjadj ou parce qu'ils se sont laissés tenter par ce qu'il a offert. Même mes enfants et ma famille m'ont quitté. Il ne reste plus qu'une poignée d'hommes, qui, bien que vaillants et dévoués, ne résisteront pas plus d'une heure ou deux. Les messagers des Banou Omayya (les Omeyyades) sont dès à présent en train de négocier avec moi, m'offrant n'importe quelle richesse que je pourrais nommer. Devrais-je rendre les armes et prêter serment d'allégeance à Abdelmalek Ibn Marwan. Qu'en penses-tu. » Elle a répondu en élevant la voix : « C'est ton combat, Abdallah, et tu te connais mieux que quiconque. Si tu penses que tu as raison et que tu défends la vérité, alors ne baisse pas les bras et bats-toi, à l'instar de tes compagnons qui ont persévéré et sont morts sous ton drapeau. Si toutefois tu désirais ce monde, quel pauvre malheureux tu es. Tu t’es détruit et tu as détruit tes hommes ! » « Mais, dit-il, je serai tué aujourd'hui, sans aucun doute.. ». « Cela vaut bien mieux que de te rendre à Al-Hadjadj volontairement et que des esclaves de Banou Omayya jouent avec ta tête. » « Je n'ai pas peur de la mort, dit-il, je crains seulement d'être mutilé. » Et sa mère de lui signaler : « Il n'y a rien après la mort qu'un homme puisse craindre. Un mouton, une fois égorgé, ne ressent pas la douleur du dépeçage. » Le visage d'Abdallah s'est illuminé et il a dit : « Quelle mère vénérable ! Sois bénie pour la noblesse de tes qualités ! Je suis venu à toi en cet instant pour entendre ce que j'ai entendu. Dieu sait que je n'ai pas faibli ni désespéré. Il est Témoin que je n'ai pas combattu par amour de ce monde et ses tentations mais uniquement par colère pour l'Amour d'Allah car Ses limites ont été transgressées. Et me voici, m'en allant vers ce qui te réjouit. Donc si j'étais tué, ne t'afflige pas et rends-moi grâce auprès d'Allah. » « Je ne m'affligerais, dit Asmaa - vieillie mais résolue - que si tu étais tué pour une cause vaine et injuste. » « Sois assurée que ton fils n'a pas soutenu une cause injuste, qu'il n'a commis aucune mauvaise action, qu'il ne s'est rendu coupable d'aucune injustice envers un musulman ou un Dhimmi (non-musulman vivant dans la société musulmane), et qu'il n'y a rien de plus plaisant à ses yeux que la Satisfaction d'Allah, le Tout Puissant, le Plus Grand. Je ne dis pas cela pour alléger ma conscience. Dieu sait que je l'ai dit uniquement pour raffermir et rassurer ton Cœur. » « Louange à Allah qui t'a fait agir conformément à ce qu'Il aime et ce que j'aime. Viens plus près de moi mon fils, que je puisse sentir et humer ton corps car cette rencontre est peut-être la dernière. » Désignant son armure, elle a dit: « Ceci, mon fils, n'est pas l'accoutrement de celui qui désire le martyr. Ôte-la. Cela rendra tes mouvements légers et rapides. Revêts plutôt ton Sirwal (un long sous-vêtement) de sorte que si tu étais tué ton Awra (partie intime) ne serait pas exposée. »
Abdallah retira son armure et mit son Sirwal. Alors qu'il s'en allait vers le Haram pour rejoindre le combat, il a dit : « Mère, ne me prive pas de tes Douâa (prières). » Levant ses mains au ciel elle a prié: « Ô Seigneur ! Aie pitié pour ses longues heures de veille et ses sanglots dans les ténèbres de la nuit pendant que les gens dormaient. Ô Seigneur ! Aie pitié pour sa faim et sa soif durant son voyage de Médine à La Mecque alors qu'il jeûnait. Ô Seigneur ! Bénis sa bienfaisance envers sa mère et son père. Ô Seigneur ! Je lui rends grâce pour Ta cause et je me réjouis de tout ce que tu auras décidé pour lui. Et accorde-moi en hommage pour lui, la récompense de ceux qui sont patients et persévérants. »
A la tombée de la nuit, Abdallah était mort. A peine une dizaine de jours plus tard, sa mère est morte à son tour. Elle était alors âgée de cent ans. L’âge ne l'avait pas rendue infirme et n'avait pas altéré la vivacité de son esprit.