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L’expédition de Mu’ta en territoire Byzanti

L’expédition de Mu’ta en territoire Byzanti

Le Prophète () avait envoyé Harith ibn ‘Oumayr al-Azdi porteur d’une lettre à Sharhbil ibn ‘Amr al-Ghassani, gouverneur de l’empereur byzantin à Bousra. Sous les ordres de ce dernier, Harith fut ligoté, puis décapité. Indépendamment du contenu désagréable d’un message transmis, il n’avait jamais été d’usage, chez les rois, de condamner à mort son porteur. Le crime était scandaleux pour l’expéditeur de la lettre et laissait présager plein de dangers pour les futurs envoyés; il ne pouvait donc rester impuni. Cette effusion de sang appelait la vengeance, une vengeance assez terrible pour dissuader tous les tyrans de répéter ce genre de crime.

Le Prophète () décida d’envoyer un détachement à Bousra en l’an 8 de l’hégire.

Une force composée de 3000 vigoureux guerriers fut détachée. C’était l’armée la plus forte jamais envoyée et plusieurs compagnons éminents s’étaient portés volontaires pour en grossir les rangs. Le Prophète () la plaça sous le commandement de son esclave affranchi, Zayd ibn Haritha, mais précisa que si ce dernier devait perdre la vie, alors ce serait Ja’afar ibn Abou Talib qui prendrait le commandement, et que si ce dernier mourait à son tour, il serait alors transmis à Abdoullah ibn Rawaha. Lorsque l’expédition fut prête à partir, la population de Médine vint lui faire ses adieux et salua les commandants choisis par le Prophète (). L’armée musulmane devait entreprendre un long et pénible voyage avant de faire face à un ennemi soutenu par le plus grand empire du monde. En effet, Mou’ta est situé à 12 kilomètres au sud de Kirk, en Transjordanie, donc à 1100 kilomètres de Médine. Les troupes envoyées pour cette expédition durent parcourir cette distance à dos de cheval et de chameau dans un pays ennemi, sans aucun espoir de voir les populations locales leur prêter assistance ou les nourrir.

L’armée se rendit jusqu’à Ma’an, en Syrie, où Zayd apprit que Héraclius se trouvait à Balqa’ et qu’il était accompagné de cent mille romaines, auxquelles s’ajoutaient presque autant d’alliés provenant des tribus arabes de Lakhm, Joudham, Bal-Qayn, Bahra et Bali. Les musulmans campèrent deux jours à Ma’an. Réfléchissant à la situation dans laquelle ils se trouvaient, ils décidèrent finalement d’informer le Prophète () de la force et du nombre des ennemis. S’il envoyait des renforts, tant mieux; sinon, ils feraient tout de même face à l’ennemi s’ils en recevaient l’ordre.

Abdoullah ibn Rawaha fit un discours passionné à ses camarades, afin de leur insuffler du courage. Il dit : « Hommes! Par Allah, vous n’aimez pas cette chose pour laquelle vous êtes venus ici (le martyre). Nous ne combattons pas l’ennemi par la force de notre nombre ou de notre puissance; nous le combattons avec la religion par laquelle Allah nous a honorés. Alors allons-y et peu importe l’issue, nous serons couronnés de succès : soit nous gagnerons la bataille, soit nous mourrons en martyrs. » Sur ce, les hommes se levèrent et foncèrent en avant, prêts à rencontrer l’ennemi.

Lorsque les musulmans arrivèrent près de Balqa’, ils trouvèrent l’armée byzantine installée dans un village appelé Mashrif. Réalisant que les musulmans avançaient sur eux, ils en firent de même. Les troupes musulmanes prirent position dans un village appelé Mou’ta, le lieu même de la bataille.

Zayd ibn Haritha, qui portait le drapeau du Prophète (), s’élança sur l’ennemi et mourut en se battant courageusement, atteint par d’innombrables flèches. Ja’afar s’empara de l’étendard et prit le commandement. Au plus fort de la bataille, il sauta de son cheval et lutta avec acharnement, jusqu’à ce qu’il perde sa main droite. Il saisit immédiatement l’étendard de la main gauche, mais il perdit bientôt cette dernière à son tour, ainsi qu’une partie de son bras. Nullement découragé, il attrapa le drapeau avec ses dents. Il mourut un peu plus tard, après avoir reçu pas moins de quatre-vingt-dix blessures d’épées sur sa poitrine et ses bras, mais pas une seule dans son dos. Il était âgé de 33 ans. C’est ainsi que combattit cet homme, avec un courage et une témérité exemplaires en dépit du fait qu’il luttait contre des forces de loin supérieures aux siennes, défiant la force de l’ennemi et son nombre, jusqu’à ce qu’Allah l’honore en le faisant mourir en martyr.

Comme il avait été convenu, Abdoullah ibn Rawaha s’empara à son tour de l’étendard et prit le commandement de l’armée. Comme Zayd, il descendit de cheval et s’avança courageusement. Un de ses cousins s’approcha de lui et lui donna un morceau de viande en lui disant : « Prends-le, car tu n’as rien mangé depuis plusieurs jours. Cela te donnera des forces pour te battre. » Abdoullah le prit et en mangea un peu. Puis il le laissa et, s’emparant de son épée, se mêla bravement à la bataille jusqu’à ce qu’il soit tué à son tour.

Les troupes musulmanes se rassemblèrent autour de Khalid ibn Walid, qui prit à son tour l’étendard. Avec son instinct stratégique, il se débrouilla pour se retrouver derrière l’ennemi, au sud, tandis que ce dernier faisait face au nord. À ce moment-là, le soleil se couchait et les deux armées, épuisées par la bataille qu’elles menaient depuis le matin, décidèrent de cesser les combats.

Dans le silence de la nuit, Khalid positionna une partie de son armée à l’écart de son camp. À la première lueur de l’aube, ce détachement bondit en avant en hurlant des cris de Allahu Akbar (Allah est Grand), ce qui fit croire à l’ennemi que des renforts venaient d’arriver de Médine. La veille, les Romains s’étaient battus contre une armée de 3000 musulmans. Mais maintenant, ne sachant combien de nouveaux guerriers venaient d’arriver, ils n’osaient plus avancer pour se battre. Ils se sentirent complètement découragés et désertèrent le champ de bataille, ce qui épargna aux musulmans une autre longue journée de lutte.

Tandis que les musulmans combattaient l’ennemi à Mou’ta, le Prophète (), à Médine, donnait aux gens une description détaillée de ce qui se passait sur le champ de bataille. Anas ibn Malik relate que le Messager d’Allah () avait annoncé la mort de Zayd, de Ja’afar et d’Abdoullah avant même que l’envoyé chargé de les en informer n’arrive à Médine. Anas rapporte que le Prophète () dit : « Zayd a pris l’étendard et a été tué; puis Ja’afar l’a pris à son tour et a été tué aussi; enfin, Abdoullah ibn Rawaha s’en est emparé et il a également été tué. », tandis que des larmes coulaient le long de ses joues. Toujours selon Anas, le Prophète () poursuivit : « Finalement, une des épées d’Allah [i.e. Khalid bin Walid] a pris l’étendard jusqu’à ce qu’Allah leur accorde le succès. » (Rapporté par Boukhari)

Boukhari  rapporte également que le Prophète () a dit, au sujet de Ja’afar : « Allah a donné deux ailes à Ja’afar, à la place de ses bras. Et il vole comme bon lui semble dans le Paradis. » Suite à cette déclaration, Ja’afar devint connu, parmi les gens, sous les noms de Ja’afar At-Tayyar et par Dhul Janahan, (l’homme aux deux ailes).

Le Messager d’Allah () se rendit chez Ja’afar et demanda à sa femme de réunir ses enfants. Son visage reflétait son chagrin. Lorsqu’ils furent devant lui, il les serra contre lui, tandis que des larmes coulaient sur ses joues. Puis il leur annonça la mort de leur père. Auparavant, il avait envoyé dire à sa famille : « Préparez de la nourriture pour la famille de Ja’afar; ils seront trop secoués pour cuisiner. »

Lorsque l’armée musulmane, de retour de Mou’tah, approcha de Médine, le Messager (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et les musulmans se précipitèrent à leur rencontre. Les garçons couraient, tandis que le Messager avançait à dos de chameau. Il dit aux autres : « Prenez les garçons et donnez-moi le fils de Ja’afar. » Le fils de Ja’afar, Abdoullah, fut amené au Messager (), qui le fit asseoir devant lui.

C’était la première fois qu’une armée musulmane rentrait à Médine sans avoir remporté une victoire décisive. Certaines personnes se mirent à lancer de la poussière aux hommes, en disant : « Déserteurs! Vous avez fui le sentier d’Allah! » Le Prophète () dit : « Non! Ce ne sont pas des déserteurs! Ce sont des vrais combattants, si Allah en décide ainsi. » (Rapporté par l’Imam Ahmed)

 

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