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Procrastination – Un feu ardent au sein de notre âme (I)

Procrastination – Un feu ardent au sein de notre âme (I)

Piers Steel, professeur de psychologie et de sciences comportementales à l'Université de Calgary, a mené une recherche sur dix ans prouvant que le nombre de personnes touchées par la procrastination augmentait et que les conséquences de cette maladie n’étaient autres qu’une diminution de leur qualité de vie, de santé, de richesse, de bonheur. Selon cette même étude, 5 % des Américains en 1978 se voyaient comme des « retardataires chroniques » ou procrastinateurs. En 2007, année de publication de l’étude, ce nombre s’élevait à 26 %. En 2007, un quart de la population adulte américaine était touché par la procrastination. Toujours selon cette étude, les hommes se définissent plus facilement comme étant procrasnitateur que les femmes, et les jeunes plus que leurs ainés. La procrastination chez les étudiants atteignait 75 % !
La procrastination est un fléau globale en pleine augmentation, en effet dans l’ensemble des pays où des études ont été menées sur le sujet aucune différence significative concernant les procrasnitateurs chroniques n’a pu être constatée. 

L’étude de Steel montre qu’il existe quatre causes majeures menant à la procrastination :
- La tentation de se relâcher (les distractions),
- le sentiment que la tâche à accomplir n’est pas urgente,
- la non perception de l’importance de la tâche
- le fait de croire que nous ne pouvons pas mener à bien cette tâche.

Le facteur d’influence le plus important étant le premier : la tentation par les disctractions.
De nos jours et plus que jamais, il nous est offert des quantités innombrables de distractions. Avec l’entrée dans tous les foyers de la télévision et de ses séries et films, d’internet et de ses médias sociaux tels Twitter ou Facebook ou encore des jeux vidéo, les moyens d’échapper à son travail sont nombreux. Ces distractions peuvent nous tenir éloigner de nos véritables buts et nous plonger dans des activités vraiment inutiles !

Les quatre facteurs identifiés dans l’étude impliquent de voir notre vie comme une série de tâches nécessaires à accomplir dont nous tirons plaisir. Ceci explique que beaucoup d’entre-nous ne portent pas d’attention au bonheur spirituel et au fait de bien se sentir dans sa peau. Malheureusement dans cette époque très peu propice à la spiritualité, le simple fait de ne pas se sentir bien ne suffit pas à nous motiver pour faire ce qui est nécessaire à notre développement.

En changeant simplement de perspective, c'est-à-dire en passant de celle du procrastinateur vivant et se complaisant dans la médiocrité à celle du musulman visant l’excellence, et qui en vérité n’est pas aussi loin que l’on imagine, nous accéderons à une dimension de l’action trouvant sa motivation dans un calme intérieur faisant place au discours mental et à ses questions telles qui suis-je ? Quels sont mes buts ? Qu’ai-je accompli ? Suis-je responsable ? Suis-je enclin à la procrastination ? Ainsi de suite….

Dans cette autre dimension, nous sommes capables et surtout nous avons la volonté de repousser les distractions, peu importe celui qui tente de nous distraire de notre but à atteindre, du travail qui doit être accompli maintenant, de l’opportunité qui nous est donnée pour accomplir notre but ultime. Ceci est la voie de celui dont le bonheur se trouve dans la maîtrise de son être, celui qui repousse les tentations pour accomplir ce qui doit être accompli, ici et maintenant. En aimant la simplicité et les choses simples, nous agissons dans l’instant voulu et évitons de travailler dans le stress et l’urgence. Nous nous préservons des sentiments tels que de se sentir sous pression du retard avec lequel nous avons débuté, l’anxiété liée au manque de temps et au retard à combler.

Nous devons garder à l’esprit que chaque fois que nous remettons notre travail à plus tard, nous allumons un feu ardent et destructeur dans notre âme. Notre vitalité ou notre énergie vitale s’amenuise et nous devenons un peu plus malades. Le travail est là, il doit être accompli maintenant et nous le faisons. Ceci est très simple et la simplicité est la plus grande source d’énergie. Ne nous lançons pas dans un débat interne usant en énergie, inutile et source de perte de temps. Ne portons pas attention aux questions et aux arguments qui nous viennent à l’esprit : « Je dois travailler… Je n’ai le temps maintenant et je suis trop fatigué donc je le ferai demain. » En fait, nous sommes passés maîtres dans l’art de la rationalisation :

• " Je travaille mieux lorsque je suis sous pression, retarder les choses jusqu’à leur dernier délai est donc plein de sens. "
• " Je n’ai tout simplement pas envie de faire cela. C’est ennuyeux. C’est incompréhensible, je remets ça à plus tard. "
• " La terre ne va pas s’arrêter de tourner si je ne le fais pas maintenant. "
• " Je ne suis pas d’humeur à travailler maintenant. Laissons ceci pour plus tard. "
• " Je vais attendre la dernière minute pour le faire, c’est la seule méthode qui fonctionne avec moi."
• " Les circonstances ont eu raison de moi. Je vais attendre de me sentir mieux. "

Remarquez que l’argumentation de cette rationalisation est toujours la même, à savoir que demain nous serons plus énergiques, de meilleure humeur et dans de meilleures dispositions. L’idée centrale est que demain sera certainement un jour différent d’aujourd’hui, différent car sans aucun doute meilleur. Comme si demain nous allions retrouver une motivation extraordinaire, de l’énergie à en revendre, nous allions être d’humeur à gravir des montagnes et suffisamment endurants pour le faire, nous allions trouver les moyens nécessaires, mais plus tard, demain ou un autre jour…

Ce que nous ne réalisons pas c’est que demain ne peut être différent d’aujourd’hui uniquement que si nous nous imposons une discipline aujourd’hui. Le seul et unique moment qui existe pour le faire n’est pas demain ou plus tard mais TOUT DE SUITE. Inversement chaque fois que nous repoussons la tâche à effectuer, nous ancrons plus profondément en nous cette habitude et en réalité nous compliquons la tâche en la repoussant.

Il est bien connu que « la procrastination est la tombe dans laquelle l’opportunité est enterrée » (auteur inconnu). Nous devons absolument répondre à la question suivante : Qu’est-ce que l’opportunité ? L’opportunité ou l’occasion c’est valoriser l’effort que nous faisons. Lorsque nous décidons de sortir de notre médiocrité et que nous visons l’excellence comme philosophie pour notre quotidien, nous nous focalisons sur la manière d'être simples et efficaces. Ensuite, nous réalisons qu’il n’est pas question de succès ou d’échec, mais de configuration dans laquelle nous nous trouvons lorsque nous rencontrons l’occasion ou l’opportunité pour passer à l’acte. Cette volonté et cette disponibilité d’énergie nécessaire pour accomplir notre travail lorsqu’il se présente met fin à ce débat interne dont nous avons précédemment parlé. L’anxiété, le stress et les états dépressifs engendrés par l’habitude de la procrastination sont alors dissipés. Ils font place à une amélioration de notre propre estime et de notre confiance en nous. Nous cultivons alors une image de nous-mêmes fiable et responsable, ce qui entraîne un sentiment de bien-être. Ceci s’appelle viser l’excellence.

A présent pensons à la cérémonie du thé. Nous pouvons voir dans cette cérémonie un événement quotidien et assez banal de la vie, boire du thé, mais nous pouvons l’envisager d’une toute autre approche : comme un rituel qui nous pousse à prendre conscience des moindres détails, comment tenir la tasse, apprendre à observer la cérémonie, sentir les différentes odeurs, écouter les bruits, comment nettoyer les ustensiles utilisés, etc. Accomplir toutes ces choses si simples avec un état de conscience et d’excellence. L’attention qui doit être portée à tous ces détails et le fait d’apprécier la beauté qui se trouve dans les scènes les plus ordinaires et récurrentes de notre vie, aident celui qui participe à cette cérémonie à apprécier les moments les plus simples de sa vie et ceci nous apporte une harmonie et une paix intérieure (être pleinement conscient du moment présent) et la capacité à apprécier la simplicité.
Payer mes taxes ce n’est pas que payer mes taxes. C’est aussi savoir se maîtriser. C’est aussi renforcer la volonté comme on le fait pour un muscle. C’est aussi s’ouvrir aux plaisirs simples de la vie, la joie d’avoir fait ce qui était à faire. Et même si une tâche peut nous paraître ennuyeuse ou fastidieuse, nous l’accomplissons avec un état d’esprit visant l’excellence.

 

Chaque tâche, corvée ou activité que nous considérons comme désagréable, telle payer nos impôts ou laver la vaisselle, peut être envisagée comme la cérémonie du thé. Par exemple, nous nous fixons comme objectif de courir tout les matins à six heure, même si nous avons pour habitude de nous lever qu’à six heure trente. Le lendemain matin à six heure moins cinq notre voix intérieure va nous dire : « Il serait peut-être préférable de courir ce soir après le travail… Tu pourras ainsi consulter ta page Facebook et répondre à quelques-uns de tes emails avant de partir travailler et de toute façon tu te sens un peu mou pour courir ce matin. » Il est alors facile de se laisser aller, de se détourner de notre intention, d’enlever notre survêtement malgré que notre intention est toute fraîche. Alors que faire ?

Concentrons-nous alors sur les détails non sur le résultat - les vues, les sons, les odeurs, les sensations physiques du déplacement et de l’action. Les nuances émotionnelles de nos vies, les différentes formes, couleurs, textures de nos expériences voulues ou fortuites, nous donnent la sensation d’être vivants. Se sentir vivant et choisir d’agir, de créer, d’entreprendre ce que notre volonté et vision nous proposent, nous apportent des sensations bénéfiques. Ce sont des moments qui visent la maîtrise de soi.

Observons-nous lorsque nous nous complaisons dans la procrastination, observons-nous avec le même regard curieux et amical que celui qu’aurait notre meilleur ami sur nous.

Nous nous asseyons pour enfiler nos baskets, ressentons la texture des lacets entre nos doigts lorsque nous les nouons, ressentons nos pieds se poser sur le carrelage en s’approchant de la porte. Nous nous voyons changer de dimension, nous sortons de notre maison pour entrer dans un environnement naturel. Nous regardons le soleil jouait avec les nuages et regardons ses rayons à travers les branches d’un chêne, observons les différentes nuances de couleurs que ceux-ci donnent aux feuilles du chêne. Pouvons-nous trouver dans cette fraicheur matinale annonçant le printemps une source d’inspiration ?

Sans aucun doute, nous le pouvons. C’est une nouvelle journée qui commence, un nouveau jour, une nouvelle opportunité qui se présente à nous pour apprécier cet effort que nous avons entrepris pour viser l’excellence, pour améliorer notre personnalité, à présent conscients de l’importance de l’intention. Conscients, ce qui signifie que notre cœur s’est ouvert et est capable d’apprécier les plaisirs de la vie comme le souffle d'une brise sur le visage. Nous ne ressentons aucun stress et aucun besoin urgent de faire quelque-chose d’autre… Nous vivons le moment pleinement, le moment présent et apprécions son caractère non compliqué. Nous nous mettons maintenant à courir et alors il n’y a plus rien d’autre pour nous à faire en cet instant. Nous faisons attention à repousser nos pensées concernant nos activités futures, cette sensation que nous devons accomplir quelque-chose urgemment, celle que nous allons manquer une chose importante dans notre emploi du temps ou pire encore, courir après notre passé et ce que nous pensons avoir raté ou se projeter dans un futur qui nous est encore trop abstrait.

Oui nous repoussons tous ces sentiments, toutes ces pensées parce que nous avons fait ce choix, le choix de couper tout discours interne et donc tout débat mental, de couper toute source de distraction, de voir à leur juste valeur les efforts en nous, et nous avons l’intime conviction que nous en sommes capables. L’énergie vitale que nous n’avons pas gaspillée est maintenant en train de nous envahir, nous rendant plus forts et nourrissant notre motivation pour accomplir ce que nous avons choisi d’accomplir. Ce que nous avons choisi, encore et encore, comme une dévotion parce que nous savons ce qui doit être fait… ET NOUS AIMONS CELA.
Pour conclure revenons une fois de plus sur les conclusions de l’étude menée par Piers Steel. Selon ces conclusions, nous pouvons affirmer que :
- si nous choisissons de mettre de coté les distractions et d’être fermes face elles quand nous avons quelque-chose à faire,
- si nous comprenons l’importance de faire ce que nous avons à faire au moment où il faut le faire, pour ainsi s’éviter une perte de temps et d’énergie, s’éviter une cacophonie interne due au conflit résultant de la procrastination,
- si nous percevons ce que nous avons à faire et le faisons en temps voulu avec la conscience que ceci est très précieux pour nous,
- si nous avons la conviction que nous pouvons prendre des décisions, agir en conséquence et avons confiance en notre capacité, alors nous ne sommes plus enclins à la procrastination.

A présent nous sommes plus à même d’apprécier le moment présent, de nourrir nos motivations, de les accomplir et de mener à bien chacun de nos projets. Nos projets ne nous paraissent plus être des rêves fous et inaccessibles, nous savons comment les nourrir, les structurer, les mener et les accomplir. Le temps où le moindre projet était pour nous synonyme de stress est révolu. PLUS JAMAIS !

A présent le monde extérieur, la nature et sa loi de cause à effet, nous ont livré leur secret contenu dans l’espace, le calme, le contentement. Nous ne nous sentons plus stressés, nous ne travaillons plus dans l’urgence, ne nous laissons plus embarquer dans des discours internes sans fin et sans sens, nous sommes capables de nous détacher de tout ceci et pouvons apprécier la beauté des rayons du soleil jouant avec les fleurs d’un chêne, l’éclosion d’une fleur, etc.

Nous pouvons apprécier les bienfaits libérateurs de l’espace et vivre notre vie avec l’intention d’en jouir, de pouvoir respirer de manière profonde.

Nous ressentons les plaisirs du calme, de la paix résultant de la lutte contre les regrets, les reproches et le stress.

Nous apprécions le travail de contrôle de soi effectué qui mène à accomplir en leur temps les différentes tâches qui se présentent à nous.

La liberté se trouve en prêtant attention aux détails de nos actes. En vérité, nous ne pouvons pas toujours contrôler le fruit de nos actes. Ce que nous pouvons contrôler c’est le moment où nous devons agir et la manière dont nous agissons. Ce qui nous paraissait inconcevable est entre nos mains et dans nos cœurs. Nous avons trouvons le moyen de vouloir toujours chercher à aller plus loin.

Le Prophète () a dit : « Puisse Allah accorder Sa miséricorde à quiconque accomplit la tâche qui lui est confiée avec perfection »

Notre quête est d’atteindre la perfection.

Dans la seconde partie de cet article nous verrons les moyens de se débarrasser de l’habitude de procrastination en définissant un schéma alliant concentration, organisation et habitude de réalisation.
 

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