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Le groupe al-Higra wa-l-Takfîr (I)

Le groupe al-Higra wa-l-Takfîr (I)

Quel est ce groupe ?

Ce groupe, qui c’est lui-même appelé Djamâ’at al-muslimîn (Groupe des musulmans) mais qui est plus connu dans les médias sous le nom d’al-Higra wa-l-Takfîr, est un groupe formé d’islamistes extrémistes qui adhère l’idéologie kharidjite qui consiste à sortir de l’Islam les musulmans coupables de péchés. Ce groupe est d’abord apparu dans les prisons égyptiennes, puis après l’élargissement de ses membres, sa pensée s’est diffusée et ses adeptes se sont multipliés en Egypte, et notamment parmi les étudiants.

La fondation de ce groupe et ses cadres les plus connus :

Ainsi, l’idéologie et les principes fondateurs de la Djamâ’a, aussi connue sous le nom d’al-Higra wa-l-Takfîr, ont commencé à se développer dans les prisons égyptiennes, et notamment après l’emprisonnement et l’exécution en 1965 de Sayyid Qutb et de certains de ses compagnons politiques sous l’ordre de Gamal Abdel Nasser – qui était chef de l’Etat à cette époque. Les musulmans pratiquants qui furent enfermés durant cette période dans les prisons égyptiennes subirent des tortures dont la seule évocation provoque des frissons, d’ailleurs beaucoup d’entre eux périrent sous cette torture effroyable, et cela dans la totale indifférence d’autorités de toute manière complices de ces méfaits. C’est donc dans ce climat de terreur qu’est née une forme très dure de l’extrémisme et que s’est développée l’idée du takfîr (l’anathème contre des musulmans), laquelle trouva un grand échos parmi tous ces jeunes pratiquants qui souffrirent de la brutalité du régime d’alors.

En 1967, les hommes des services de sécurité du régime nassérien demandèrent à tous les prédicateurs emprisonnés de soutenir ouvertement le président de l’Egypte Gamal Abdel Nasser, c’est ainsi que les prisonniers politiques se divisèrent en plusieurs groupes : l’un des groupes choisit sans hésiter de soutenir le président et son régime, leur but étant d’obtenir leur élargissement afin de retrouver au plus vite leur travail et leur famille, les membres de ce groupe prétendirent qu’ils parlaient au nom de tous les prédicateurs emprisonnés ; il est à noter que certains d’entre eux travaillaient secrètement pour le régime, ils représentaient en somme une sorte de cinquième colonne au sein du mouvement islamiste ; par ailleurs, il y avait une autre catégorie d’individus qui n’étaient pas des agents gouvernementaux, mais des politiciens opportunistes qui avaient rejoint les prédicateurs dans le but de faire avancer leur cause. Si la majorité des prédicateurs emprisonnés avaient choisi de se murer dans le silence, ils ne choisirent pas entre l’opposition et le soutien considérant qu’ils étaient sous la contrainte, il se trouva tout de même un petit groupe de jeunes qui s’opposèrent au pouvoir et sortirent ouvertement de l’Islam le président et son régime, de plus ils considérèrent tous ceux qui, parmi les détenus, avaient soutenu le pouvoir comme étant des apostats, et même celui qui ne sortaient pas ces derniers de l’Islam était considéré comme mécréant ; par ailleurs, selon la vision de ce petit groupe, tous les membres de la société sont des mécréants car ils soutiennent de fait le régime, par conséquent leur prière et leur jeûne sont parfaitement invalides.

L’imam et l’idéologue de ce petit groupe d’extrémistes était un certain Cheikh ‘Alî Ismâ’îl, ce dernier fait naturellement partie des personnalités les plus marquantes de ce mouvement. Ce dernier était l’imam et le leader de ce groupe de jeunes au sein de la prison, il était diplômé de la prestigieuse université d’al-Azhar, il était en outre le frère du Cheikh ‘Abd al-Fattâh Ismâ’îl qui était l’un des six détenus qui ont été exécutés avec Sayyid Qutb. ‘Alî Ismâ’îl est celui qui est à l’origine des concepts de la séparation d’avec les autres musulmans et du takfîr (fait de les sortir du cercle de l’Islam) de ces derniers, lesquels concepts sont les piliers idéologiques de ce groupe ; il est à noter qu’Ismâ’îl mit au point un raisonnement dont le but était de faire croire que ces concepts spécieux et erronés étaient parfaitement en accord avec la Charia et s’appuyaient sur des preuves tirées du Coran et de la Sunna ainsi que des deux grandes périodes de la vie du Prophète (), la période mecquoise te la période médinoise. Il est évident qu’Ismâ’îl s’est beaucoup inspiré de la pensée et de l’idéologie des Kharidjites. Cependant, il est important de dire qu’Ismâ’îl revint dans le droit chemin et se démarqua publiquement de ces idées pour lesquelles il s’était battu.

Parmi les grands cadres de ce mouvement sectaire, on trouve également un certain Chukrî Ahmad Mustafâ (Abû Sa’d), né en 1942, lequel fut l’un des jeunes emprisonnés en 1965 à cause de leur appartenance à la confrérie politico-religieuse des Frères musulmans. Il prit, à 23 ans, la tête du groupe en prison après que Cheikh ‘Alî Ismâ’îl eut abandonné les idées défendues par ce dernier. En 1971, Chukrî fut élargi – après qu’il eut obtenu un diplôme universitaire d’agronomie, il put alors commencé à structurer sérieusement l’organisation du groupe. Ainsi, les membres de ce dernier lui firent allégeance et le nommèrent Prince des croyants ainsi que Chef de la Djamâ’at al-muslimîn ; Chukrî nomma alors divers chefs de régions et de districts, de même qu’il loua un grand nombre de logements dans les principales villes du pays afin d’en faire des lieux de réunions secrets pour la Djamâ’a.

En septembre1973, Chukrî ordonna aux membres de la Djamâ’a de tous rejoindre les régions montagneuses afin de s’installer dans les grottes se situant dans la circonscription d’Abou Qarqas dans la région d’al-Maniâ, il leur dit en outre qu’avant de partir ils devaient vendre tous leurs biens et acheter le nécessaire vital ainsi que des armes blanches ; en fait, Chukrî et ses adeptes appliquaient là l’un des préceptes fondamentaux de la Djamâ’a, c’est-à-dire l’ordre de se séparer des autres musulmans, considérés par eux comme des mécréants, afin de préserver la « pureté » de leur foi des souillures de la mécréance, c’est ce que ce groupe déviant appelle al-Higra (l’émigration d’un lieu où règne la mécréance vers un lieu où la foi pourra s’épanouir), qui est une référence certaine à l’Higra prophétique ou Hégire.

Le 26 octobre 1973, les hommes de la sécurité égyptiens, qui avaient commencé à soupçonner la Djamâ’a d’organiser des choses louches, menèrent une opération qui aboutit à l’arrestation des membres de ce groupe, ils furent donc présentés devant un tribunal puis incarcérés.

Le 21 avril 1974, après la guerre d’octobre 1973, une résolution fut promulguée pour gracier Mustafâ Chukrî et ses adeptes de la Djamâ’a ; toutefois, une fois libres, ces derniers reprirent leur activisme, mais cette fois-ci de manière plus sérieuse et organisée qu’avant, c’est ainsi par exemple que Chukrî fit un travail visant à étendre de manière conséquente la base du groupe, il réorganisa les rangs de ce dernier, il fut capable d’intégrer des nouveaux membres issus des diverses régions du pays, de même qu’il envoya un groupe à l’étranger afin qu’il recueille des financements pour soutenir l’activité et le développement du groupe, c’est donc par ce biais que les idées de la Djamâ’a se diffusèrent au-delà des frontières de l’Egypte. Chukrî structura de manière rigoureuse et complète l’organisation afin d’optimiser l’activisme de ses adeptes, il leur prépara un programme stricte qui comprenait la prédication, le travail, les prières et les études, c’est ainsi que les membres du groupe s’isolèrent du reste de la société ; en fait, pour tous leurs besoins, ces derniers se tournaient vers la Djamâ’a, et ceux qui parmi eux s’écartaient idéologiquement de cette dernière s’exposaient à des châtiments corporels, de plus si un membre du groupe abandonnait la Djamâ’a, il était considérait comme ayant apostasié, car selon l’idéologie de la Djamâ’a seuls les membres de celle-ci sont des musulmans, et donc l’ancien membre apostat risquait un lourd châtiment et même d’être exécuté.

Il faut remarquer que même si Chukrî était tout à fait dictatorial dans ses décisions, il n’empêche que ses adeptes lui obéissaient de manière aveugle, laquelle obéissance s’expliquait par le fait que ces derniers avaient fait acte d’allégeance à Chukrî au moment de rejoindre la Djamâ’a.

Il est connu que les membres de la Djamâ’a ont subi une répression extrêmement dure de la part du pouvoir égyptien, et notamment en 1977 suite à l’assassinat du Cheikh Husayn al-Dhahabî, qui était un ancien ministre des affaires religieuses ; ainsi, après des affrontements très violents entre les membres du groupe et les forces de sécurité, des centaines d’entre eux furent arrêtés et présentés devant un tribunal, lequel prononça la peine capitale pour cinq cadres du mouvement parmi lesquels il y avait notamment Chukrî Mustafâ et Mâhir ‘Abd al-‘Azîz Bakrî, par ailleurs, les autres membres écopèrent de lourdes peines de prison. C’est ainsi que le 30 mars 1977 – au matin de la visite de Jérusalem par le président Sadate – eurent lieu les exécutions de Chukrî et des autres cadres de la Djamâ’a.

Après ce coup très dur porté à la Djamâ’a, les membres de cette dernière décidèrent de travailler dans le secret, c’est sans conteste cette clandestinité qui a permis à ce groupe de survivre jusqu’à nos jours, mais elle a été également la cause d’une perte de vitesse pour ce groupuscule, en sus ce dernier dut faire face au mouvement de renouveau islamiste (Sahwa) dont les membres défendaient le dogme salafiste et avec lesquels la Djamâ’a engagea des débats et polémiques, en prison et en dehors, ce qui amena beaucoup des membres de la Djamâ’a à revenir dans le droit chemin et à délaisser leurs idées déviantes.

A suivre …

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