Les orphelins sont l’une des catégories les plus faibles et fragiles de la société, leur nombre peut augmenter considérablement en période de guerre ou durant les grandes crises pouvant traverser la Oumma. Nous devons rappeler ici que le Prophète () a enjoint et appelé sa communauté à tout faire pour assurer le soutien et la protection de l’orphelin. Ainsi, la prise en charge de l’orphelin consiste à ce que la communauté assure sa protection et son éducation, protège ses intérêts et agisse envers lui avec bonté. Selon la terminologie des jurisconsultes le mot yatîm (« orphelin » en arabe) renvoie à celui qui a perdu son père et sa mère alors qu’il est encore un enfant, mais quand ce dernier devient un adulte, on ne peut plus le qualifié d’orphelin, cette règle est notamment tirée d’une parole de ‘Alî qui dit : « J’ai retenu du Prophète d’Allah la phrase suivante : « Il n’y a pas d’orphelin après la puberté » ».
Ainsi, dans l’Islam, si un enfant perd ses parents, c’est-à-dire ceux qui s’occupaient de lui, l’éduquaient et subvenaient à ses besoins, Allah, exalté soit-Il, ne l’abandonne pas à son sort, bien au contraire Il, exalté soit-Il, appelle les croyants, dans Son Noble Livre, à s’occuper au mieux de lui : « Adorez Allah et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins […] » (Coran 4/36).
Mais Allah, exalté soit-Il, va encore plus loin en ce sens où Il, exalté soit-Il, octroie à l’orphelin un droit sur l’argent issu des tribus de guerre : « Et sachez que, de tout butin que vous avez ramassé, le cinquième appartient à Allah, au messager, à ses proches parents, aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs (en détresse), si vous croyez en Allah […] » (Coran 8/41).
De même qu’Allah, exalté soit-Il, ordonne d’être juste avec l’orphelin et de ne surtout pas le léser, Il, exalté soit-Il, dit : « Vous devez agir avec équité envers les orphelins. Et tout ce que vous faites de bien, Allah est, certes, Omniscient » (Coran 4/127).
Puis Allah, exalté soit-Il, promet une immense récompense à celui qui se sera montré bienfaisant envers l’orphelin : « […] et offrent la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier (disant) : « C’est pour le visage d’Allah que nous vous nourrissons : nous ne voulons de vous ni récompense ni gratitude. Nous redoutons, de notre Seigneur, un jour terrible et catastrophique ». Allah les protégera donc du mal de ce jour-là, et leur fera rencontrer la splendeur et la joie, et les rétribuera pour ce qu’ils auront enduré, en leur donnant le Paradis et des [vêtements] de soie » (Coran 76/8-12).
D’après Sahl ibn Sa’d, le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Salam) a dit en unissant l’index et le majeur : « Moi et celui qui s’occupe d’un orphelin serons comme ces deux-là au Paradis ». Par ailleurs, il y a dans le fait de s’occuper d’un orphelin un moyen d’adoucir son cœur et de le débarrasser de toute dureté, c’est ainsi par exemple que selon Abû al-Dardâ` un homme vint voir le Prophète () pour se plaindre du fait qu’il avait un cœur dur, le Prophète () lui dit donc : « Tu veux que ton cœur s’adoucisse et donc obtenir ce que tu souhaites ? Eh bien soit miséricordieux envers l’orphelin, occupe toi de lui, donne-lui une part de ta nourriture. Si en effet, tu fais cela, alors ton cœur s’adoucira et tu obtiendras ainsi ce que tu désires ».
Allah, exalté soit-Il, a formellement interdit de porter préjudice à l’orphelin ou encore de lui prendre de ses biens, Il, exalté soit-Il, dit : « Quant à l’orphelin, donc, ne le maltraite pas » (Coran 93/9). Al-Qurtubî a dit dans l’exégèse de ce verset qu’il ne faut pas se montrer injuste envers l’orphelin et qu’il faut lui donner son dû, il a ajouté que le verset spécifie particulièrement l’orphelin, car ce dernier n’a aucun soutien si ce n’est Allah, exalté soit-Il, c’est ainsi qu’Allah, exalté soit-Il, a promis un lourd châtiment à celui qui nuirait à l’orphelin, de plus ce verset en particulier incite les croyants à se montrer doux et bienfaisant envers ce dernier, et sur ce point Qatâda a dit : « Soit avec l’orphelin comme un père miséricordieux ».
Notons en outre que l’argent de l’orphelin fait partie de ces biens qui bénéficient d’une attention particulière de la part de la Charia, c’est ainsi qu’Allah, exalté soit-Il, dit : « Et ne vous approchez des biens de l’orphelin que de la plus belle manière, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa majorité » (Coran 6/152).
C’est ainsi que l’Islam considère le fait de voler l’argent de l’orphelin comme l’un des grands péchés, c’est-à-dire ces péchés qui mènent à l’Enfer, qu’Allah nous en préserve, Allah, exalté soit-Il, dit : « Ceux qui mangent [disposent] injustement des biens des orphelins ne font que manger du feu dans leurs ventres. Ils brûleront bientôt dans les flammes de l’Enfer » (Coran 4/10) ; par ailleurs, le Prophète () a dit : « Evitez cinq grands péchés » et dans ces derniers il rappela le fait de « manger » l’argent de l’orphelin.
Le Waqf pour subvenir aux besoins des orphelins et gérer leurs affaires :
Le legs pieux ou Waqf est jusqu’à aujourd’hui l’un des grands moyens dans les sociétés musulmanes de subvenir aux besoins essentiels des orphelins ou des veuves. Notons en outre que l’histoire de notre civilisation nous démontre qu’à toutes les époques le legs pieux a assuré cette fonction importante de protecteur des orphelins ; à titre d’exemple, nous pensons en premier lieu au calife omeyyade al-Walîd ibn ‘Abd al-Malik, lequel fut à l’initiative de la création de centres dont le rôle était de prendre en charge les orphelins ainsi que tous ceux qui étaient dans le besoin, en sus il créa en 88 de l’Hégire (707) une institution spécialement dédiée aux orphelins, il y installa des médecins et des domestiques puis octroya aux pensionnaires de ce lieu une sorte d’allocation, on dit qu’il leur dit à ce propos : « Ne quémandez rien aux gens », et en effet grâce à ce système d’allocation, les orphelins bénéficiaires purent se passer de demander de l’argent aux gens.
Notons en outre qu’Ibn al-‘Imâd al-Hanbalî a rappelé que Nûr al-Dîn Mahmûd fit fonder en 569 des bureaux chargés de s’occuper des affaires des orphelins, lesquels bureaux fonctionnaient grâce à l’argent du legs pieux. Par ailleurs, voici ce que dit le fameux voyageur Ibn Djubayr sur ce sujet lors de sa visite de la ville de Damas : « Les jeunes orphelins vivent dans de grandes écoles régionales gérés grâce à un legs pieux, et d’ailleurs l’enseignant prend de cet argent public pour leur en reverser, c’est là vraiment l’une des choses les plus étonnantes qu’il est possible de voir dans ce pays ». Enfin, il faut rappeler que Nûr al-Dîn employait le Waqf pour soutenir l’action de diverses bonnes causes, de plus il faut savoir que les orphelins vivant dans ces institutions étaient initiés à la bonne manière de dépenser de l’argent, car quand ils quittaient ce lieu de protection, ils devaient être capables de gérer seuls leur vie.
Salâh al-Dîn al-Ayyûbî fut le premier de la dynastie ayyûbide à dédier de l’argent du Waqf au soutien des orphelins et autres enfants pauvres, il est notable que Saladin mit en Waqf dans ce but un village entier ou encore de larges parcelles de terrain.
De ce son côté, al-Qâdî al-Fâdil fonda en 580 un lieu spécialement consacré à l’enseignement des orphelins ; il fut imité par le fameux Baybars qui fut à l’origine de la création d’un lieu identique dans lequel les enfants écoliers se voyaient offrir le gîte et le couvert ainsi que des vêtements.
Lorsque l’on étudie les documents liés au legs pieux de l’époque mamelouke on constate que les autorités prirent l’habitude de construire des classes consacrées à l’enseignement des orphelins près des écoles. Par ailleurs, il nous faut signaler que sous la dynastie hamdanide, les écoles consacrées à l’enseignement des enfants pauvres et des orphelins étaient très développées, lesquels trouvaient dans ces lieux de savoir tout le nécessaire pour vivre.
A diverses époques les musulmans consacrèrent une partie de l’argent du legs pieux aux dépenses des enseignants qui enseigner aux orphelins pendant leurs congés, c’est ainsi que ces enseignants revoyaient avec eux les leçons que ceux-ci apprenaient à l’école, de plus ils donnaient aux plus motivés d’entre eux un peu d’argent de poche, ces enseignants jouaient un peu là le rôle qu’auraient joué les pères de ces enfants s’ils avaient été vivants, c’est-à-dire le fait de les pousser à bien travailler et à poursuivre leurs études.
Remarquons que la Maison des orphelins se trouvant encore aujourd’hui dans la ville de Médine a pour fondement le Waqf mis en place par les pèlerins issus du sous-continent indien pour venir en aide aux orphelins de cette ville il y a de cela plus de 80 ans, c’est ainsi qu’en 1352 de l’Hégire le cheikh ‘Abd al-Ghanî Dâdâ fonda un lieu consacré à l’accueil des orphelins dans la ville de Médine, ce cheikh mit sous régime du legs pieux une maison dont les murs accueillirent cette noble institution et il se chargea de financer de sa poche ce Waqf en plus de l’argent venant de l’Inde qui lui était attribué. Cela dura jusqu’à ce que le ministère du travail et des affaires sociales décide de se charger complètement de cette institution, et donc ce bâtiment est toujours aujourd’hui un legs pieux pour les orphelins de la ville de Médine.
Il faut noter que les oulémas et autres jurisconsultes se sont toujours appliqués à faire des recherches sur les questions en relation avec les orphelins et l’argent du Waqf qui leur est destiné, de même qu’ils ont toujours fait attention à ce que l’argent qui leur est dû leur soit versé, à ce que ces derniers soient protégés par la collectivité et à ce que soient récompensés ceux qui s’occupent d’eux. Par ailleurs, les savants édictant des fatwas en ont produit énormément sur cette question, cela est l’illustration de la volonté des oulémas de prendre soin de cette catégorie faible de la société qui doit être soutenue et protégée des dangers qui pourraient les atteindre.
En fait, la protection des orphelins n’est pas une chose théorique que l’on retrouve uniquement dans les livres de sciences et de jurisprudence islamiques, mais elle est une réalité, c’est-à-dire qu’elle vit grâce à ces innombrables gens de bien, pieux, oulémas, hommes de pouvoir ou les gens du commun qui se concurrencent dans cette volonté de donner aux orphelins afin qu’ils mènent une vie digne et semblable aux autres membres de la société. Ainsi, le Waqf joue un grand rôle dans le comblement des manques dont souffrent certains musulmans de la société qui se retrouvent sur le côté de la route, cela confirme l’importance du Waqf dans la résolution des problèmes sociaux.
Lors de mon travail dans le cadre des œuvres caritatives, j’ai vu de près la motivation de nombreux bénévoles qui n’ont pour seul objectif que de s’occuper le mieux possible des orphelins, j’ai vu comment ces bienfaiteurs ne cessaient de demander après ces derniers afin de savoir ce dont ils ont besoin, cela est clairement l’expression de l’attachement des musulmans à la protection des orphelins avec pour seul but l’obtention de la récompense d’Allah, exalté soit-Il et le désir d’être au côté du Prophète () le Jour du Jugement qui est le plus immense des bienfaits. L’Islam fait donc tout pour protéger les droits des orphelins et s’occuper d’eux d’une manière humaine surpassant là la plupart des nations et des peuples, c’est donc pour cela que les legs pieux consacrés spécifiquement aux orphelins se sont répandus dans le monde musulman à toutes les époques.
En ces jours troublés, les orphelins musulmans ont particulièrement besoin d’attention, de protection et d’une bonne éducation, mais cela ne peut se faire que grâce aux dons faits aux institutions qui s’occupent d’eux et grâce au soutien du Waqf et des associations caritatives bénévoles ou bien également des institutions spécialisées étatiques.
‘Îsâ al-Qudûmî