Nourrissez-vous des fruits qu’ils produisent
Parmi les bienfaits d’Allah envers ses serviteurs, ce qu’énonce le verset suivant :
« C’est pourtant Lui qui a créé des plantations munies de treilles [Comme les vignobles qui donnent des raisins.] et d’autres sans treillages, mais aussi les dattiers et les champs de céréales aux productions variées, les oliviers et les grenadiers, si proches et si éloignés. Nourrissez-vous des fruits qu’ils produisent et acquittez-en les droits le jour de la récolte [En faisant aumône d’une partie de cette récolte.]. Mais évitez tout excès, car Allah n’aime pas les êtres excessifs. » (Coran 6/141).
Allah rappelle à l’homme Ses bienfaits à travers les nourritures qu’Il a mises à sa disposition. La nourriture est ce qui permet au corps de vivre. C’est la base des plaisirs de l’homme. Le socle sur lequel la vie repose. Et cette vie ne peut être agréable sans elle. Allah a énuméré les principales nourritures et, ce faisant, attire l’attention sur leurs corollaires. Il a mentionné cinq catégories : les raisins, les dattes, les céréales, les oliviers et les grenadiers. Les raisons et les dattes sont consommés comme fruits mais aussi comme nourriture de base. Pareil pour les céréales. Les olives sont consommées à titre de nourriture mais sont aussi utilisées pour s’éclairer (les lampes à huiles). Les grenades sont consommées uniquement comme fruit. Ce qui n’a pas été mentionné ici ne sort pas du cadre de ces cinq catégories.
Ce verset comprend un certain nombre de règles juridiques que nous allons expliquer à travers les points suivants :
La première : Les savants divergent au sujet de ce verset en de nombreux avis. La raison de leur divergence est qu’ils sont à priori d’accord pour affirmer que la sourate Al-An’âm est mecquoise et que la Zakât a été légiféré à Médine, et qu’il n’y a pas d’autres droits sur les biens que la Zakât. Ibn Abbâs (qu’Allah soit satisfait de lui) est d’avis que ce verset est abrogé par le verset de la Zakât, ce qui est aussi l’avis de Al-Tabarî. Mais la plupart des savants sont d’avis que ce verset n’est pas abrogé.
La deuxième : Al-Zajâj est d’avis que ce verset en particulier a été révélé à Médine même si la sourate, dans son ensemble, a été révélée à la Mecque. Pour lui, il n’y a pas de preuve scripturaire qui puisse attester de façon précise que ce verset en particulier a été révélé à la Mecque. Or, il arrive que les savants disent d’une sourate qu’elle a été révélée dans l’une des deux villes alors que ce n’est pas le cas de certains des versets de cette sourate. Les savants affirment bien que la sourate Al-Mâida a été révélée à Médine alors que le verset : « Aujourd’hui, J’ai parachevé votre religion » (Coran 5/3). A été révélé à ’Arafat, à la Mecque.
La troisième : La partie du verset : ‘’ Nourrissez-vous des fruits qu’ils produisent et acquittez-en les droits le jour de la récolte ‘’ réunit deux verbes à l’impératif : ‘’Nourrissez-vous’’ indique que cela est permis. Et : ‘’acquittez-en’’ qui indique une obligation. Et rien dans la législation n’empêche que soit cité conjointement ce qui est permis et ce qui est obligatoire, en raison de ce que cela représente comme intérêt et ce qui en découle de règles. Il nous est demandé de nous nourrir pour combler l’envie de se délecter. Et il nous est demandé de nous acquitter de ces droits en contrepartie du bienfait. Allah a accordé à Son serviteur un bienfait pour son corps par la santé, des membres bien placés, l’usage des cinq sens. Et Il l’a comblé de biens en les mettant à sa disposition. Il a d’abord cité le bienfait de la nourriture avant d’ordonner de s’acquitter de son droit pour mettre en évidence qu’avoir d’abord comblé Son serviteur de bienfait relève de Sa grâce avant d’exiger de lui un acte.
La quatrième : La partie du verset ‘’ acquittez-en les droits le jour de la récolte ‘’ Les savants ont divergé pour déterminer comment il fallait comprendre le terme ‘’ droit ‘’ en trois avis :
-1 : l’avis de la majorité des savants parmi les anciens ou leurs successeurs est que le sens du droit en question est la Zakât obligatoire. Allah en a donné l’ordre de façon générale. Puis, le Prophète () l’a expliqué en disant : « Il n’y a pas de Zakât à payer pour toute quantité de graine ou de datte inférieure à cinq Wisq. » Rapporté par Boukhari et Mouslim. Ce propos avait pour but d’exposer le montant sur lequel ce droit devait être prélevé. Dans la terminologie employée par les savants, on désigne cela par le terme Nisâb, qui est le seuil d’imposition.
-2 : Mujâhid, ainsi que d’autres savants ont dit : le droit en question correspond à l’aumône qui n’est pas obligatoire. Elle doit être donnée le jour de la récolte, à ceux qui sont présents et doit être remise aux ayants-droits absents.
-3 : Ibn Abbâs (qu’Allah soit satisfait de lui) est d’avis que ce verset est abrogé par le verset de la Zakât, qui est : « Prélève sur leurs biens une aumône propre à les purifier de leurs péchés et à les rendre plus vertueux » (Coran 9/103). Il justifie son avis en disant que la sourate Al-An’âm est mecquoise et a été révélée bien avant la sourate Al-Tawba qui elle est médinoise et fut révélée bien après. Or, le verset révélé postérieurement abroge celui qui a été révélé antérieurement s’ils s’opposent et qu’il n’est pas possible de les concilier. C’est aussi l’avis pour lequel Al-Tabarî a opté.
La cinquième : les savants ont divergé pour déterminer quelles étaient les types de végétaux sur lesquels on devait prélever la Zakât. Malik et Shâfi’i affirment que cela concerne toute nourriture. Abou Hanifa dit : tout ce qui sort de terre et qui est consommable comme nourriture, fruits et légumes. Al-Qortobi affirme : ce qui est juste sur cette question est que les légumes ne sont pas sujet à la Zakât.
L’avis le plus probant de ceux attribués à l’imam Ahmad est que la Zakât est obligatoire au sujet de tout ce qu’a mentionné Abou Hanifa si la marchandise peut être chargée. Il considère que c’est obligatoire sur les amandes parce qu’elles peuvent être pesées mais pas sur les noix parce qu’elles sont comptées. Il se réfère à ce hadith : « Il n’y a pas de Zakât à payer pour toute quantité de graine ou de datte inférieure à cinq Wisq. » Rapporté par Boukhari et Mouslim. Le Prophète () a donc expliqué que le critère déterminant l’obligation de la Zakât est que les biens puissent être pesées pour les quantifier et il a aussi mis en évidence la valeur qu’il est obligatoire de s’acquitter au vu de ce droit.
La sixième : la partie du verset ‘’ acquittez-en les droits le jour de la récolte ‘’ dit quand il faut s’acquitter des droits sur les biens végétaux. Allah a fait en sorte que ce droit diffère en fonction des efforts fournis pour les cultiver. Si les terres ont été arrosées par l’eau de pluie alors il faut donner le dixième des récoltes. Mais si des efforts ont été fournis par les agriculteurs pour arroser les terres par irrigation alors seulement la moitié du dixième est requise (soit 5%).
La septième : les savants ont divergé pour déterminer quand est-ce qu’il était obligatoire de s’acquitter de la Zakât sur les biens végétaux en trois avis :
-1 : au moment de les cueillir. C’est l’avis de Muhammad ibn Salama. Al-Qortobî considère que cet avis est juste en raison du texte même du verset.
-2 : le jour où les fruits sont mûrs. En effet, avant cela, ce n’est pas encore de la nourriture consommable. S'ils le sont, ils correspondent bien à des bienfaits d’Allah et il est obligatoire de s’acquitter du droit requis. En effet, quand le bienfait est à portée de main, il est obligatoire de faire preuve de gratitude. On doit s’acquitter de ce droit le jour de la récolte au vu de ce qui est obligatoire le jour où ils sont mûrs. C’est l’avis des écoles de Malik et Shâfi’i. Ibn Al-‘Arabî considère que cet avis est le plus juste dans son exégèse Ahkâm Al-Qurân.
-3 : suite à l’évaluation de la valeur des récoltes. C’est-à-dire l’évaluation de ce que portent les dattiers comme dattes fraiches en valeur de dattes sèches.
La huitième : le verset oblige à ce que la Zakât soit donnée pour les raisins, les céréales, les dattes, dans tous les cas. Puis, le hadith précise le seuil d’imposition : « Il n’y a pas de Zakât à payer pour toute quantité de graine ou de datte inférieure à cinq Wisq. » (N.T : Un wisq ou wasaq vaut environ 129 kilogrammes) Rapporté par Boukhari et Mouslim. Aussi, celui qui a des dettes et des raisins dont le total atteint cinq Wisq, ou a cinq Wisq de raisins, alors il doit payer la Zakât sur ces biens. En revanche, si le montant total de ce qu’il possède en dattes et en raison atteint les cinq Wisq, alors la Zakât n’est pas obligatoire à l’unanimité, selon les deux points de vue, parce qu’il s’agit de deux catégories différentes. Si le fidèle a de l’orge et du blé dont la totalité des deux espèces atteint les cinq Wisq, il devra payer la Zakât ensemble selon Malik. Shâfi’i dit : on ne réunit pas les deux types ni des autres types de nourritures, on doit prendre en considération le seuil d’imposition de façon indépendante pour chaque catégorie de nourriture puisque chacune d’elle a un nom et un goût spécifique. L’avis le plus juste est qu’il faut joindre ces deux catégories parce que ce sont deux types proches et la différence de nom ne nuit en rien.
La neuvième : la plupart des savants sont d’avis que la Zakât sur les olives est obligatoires. Selon un des deux avis attribués aux savants Shâfi’ites, il n’y a pas de Zakât sur les olives. Ils justifient leur avis en disant que les olives se mangent avec du pain et que les figues sont plus nourrissantes que les olives alors qu’on ne paye pas de Zakât les concernant.
La dixième : Malik a dit dans son livre Al-Muwatta : la Sunna au sujet de laquelle il n’y a pas de divergence nous concernant et celle que j’ai pu écouter des savants est que tous les types de fruits ne sont pas sujets à la Zakât : les grenades, les Al-Firsk – sorte de pêches – les figues et tout ce qui s’y apparente et même les autres types de fruit qui ne leur ressemblent pas.
La onzième : les savants sont unanimes pour affirmer que ces catégories ne peuvent pas être assimilées les unes aux autres : les dattes à l’orge, l’orge aux olives, les camélidés aux bovins, les bovins aux caprins. En revanche, il est possible de joindre les moutons aux chèvres à l’unanimité.
La douzième : Abû Dâwûd rapporte que le Prophète () a dit : « On doit donner le dixième des récoltes dont les terres ont été arrosées par l’eau de pluie, des rivières et des cours d’eau. Et la moitié du dixième pour celles arrosées par une bête ou irrigation. » Il en est de même si la terre a été irriguée par de l’eau courante à la surface de la terre, il faut donner le dixième. Malik est d’avis qu’il faut regarder comment les récoltes ont été faites la plupart du temps et le statut en dépend. On rapporte qu’il a dit : ‘’ si la terre a été irriguée la moitié de l’année par les cours d‘eau puis que cela s’est interrompu et que le reste de l’année on a dû l’irriguer, alors on doit donner le dixième en Zakât pour la moitié des récoltes et on doit donner pour l’autre moitié, la moitié du dixième (5%).’’ Une fois, il a dit : ‘’La Zakât doit être donnée en fonction de la façon dont les cultures ont été préservées.’’ Shâfi’i a dit : ‘’on doit donner la Zakât en fonction de la façon dont les terres ont été arrosées.’’ Les Hanafites affirment : ‘’On doit regarder ce qui prévaut en matière d’arrosage des terres et donner la Zakât en conséquence, on ne doit pas prêter attention à autres choses.’’ Cet avis a aussi été attribué à Shâfi’i. Al-Tahâwi a dit : ‘’ Tous les savants sont d’accord pour affirmer que si les terres ont été arrosées un jour ou deux seulement par la pluie alors on ne doit pas prendre cela en considération et qu’on ne doit pas accorder une part de la Zakât en fonction de l’arrosage ponctuelle par eau de pluie ce qui prouve bien qu’on doit prendre en considération le type d’arrosage des terres qui a prévalu.’’
La treizième : si les récoltes sont affectées après avoir été évaluées mais avant d’avoir été cueillies alors il n’est plus obligatoire de payer la Zakât à l’unanimité des savants. Sauf s’il reste cinq Wisq ou plus. Les Malikites disent que si un fidèle a consommé ses récoltes après qu’elles sont apparues comme mûres ou après la battaison (battre les céréales pour séparer le grain de l'épi). alors on doit le prendre en compte. Pareil pour ce que le fidèle a donné le jour de la récolte, pour les olives qu’il a cueillies. Il doit s’efforcer d’évaluer ce qu’il en a pris et prendre cela en compte. La plupart des savants ne sont pas d’accord avec lui sur cette question. Ils considèrent que la Zakât n’est obligatoire que sur les biens qu’il a en main après en avoir mangé. Et ce que les bêtes et les bovins ont mangé au moment où elles l’ont fait, on ne doit pas compter cela dans le calcul de la Zakât selon l’ensemble des savants.