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Les grandes religions de l’Inde : le jaïnisme

Les grandes religions de l’Inde : le jaïnisme

Le jaïnisme est apparu en réaction aux excès de l’hindouisme et notamment à la discrimination raciale et la ségrégation résultant du système de castes qui est l’un des piliers de cette religion ; en effet, ce système inique avait fait de la société indienne un terrain de lutte entre les castes propageant, tel un feu ardent, la haine et la colère. Ainsi, le jaïnisme a rejeté une partie des enseignements de l’hindouisme et en premier lieu son système de castes, et ce, après avoir constaté ses graves effets sur la société, ce combat, que nous pouvons qualifier de légitime, amena beaucoup de gens à adhérer à cette religion contestataire. Cependant, même si le jaïnisme apparut comme un mouvement redressant les injustices, son influence resta malgré tout très limitée, et donc l’écrasante majorité du peuple indien resta accrochée à la religion hindouiste ; par conséquent, le jaïnisme ne put rassembler qu’un très petit nombre d’adeptes, en comparaison à la forte population indienne, on estime que les jaïnistes sont aujourd’hui environ un million.
 

Qu’est-ce que le jaïnisme ?
L’un des philosophes indiens a dit au sujet de la religion jaïniste : « C’est un mouvement rationnel s’étant affranchi du pouvoir du Waydat – c’est-à-dire les livres sacrés des hindouistes – imprégné néanmoins de l’esprit général de l’hindouisme. Il est en outre basé sur la crainte de la réincarnation et la fuite de la vie terrestre afin de se préserver de ses aspects mauvais et impurs ; il s’agit en fait pour les adeptes de se priver des bonnes choses de cette vie de peur de subir leurs méfaits, c’est pour cela que le pilier de ce mouvement est une retraite spirituelle très austère ainsi qu’un contrôle de soi fort épuisant ; par ailleurs, ils restent imperturbables face aux plaisirs et souffrances de cette vie, ils mènent une vie faite de rigueur extrême et d’abstinence et leur voie est celle du monachisme, mais pas celui pratiqué par les Brahmanes. En fait, les Jaïnistes remédient aux penchants naturels de l’homme et à ses passions en les anéantissant, c’est ainsi qu’ils finirent par étouffer la flamme de la vie qui était en eux de leurs propres mains, ils cherchèrent le salut dans une existence terne et dans une joie sans effusion ».
 

Le fondateur du Jaïnisme :
Le fondateur du Jaïnisme est un certain Wardahamata, ce qui signifie « l’augmentation » ; cependant, ses disciples l’appelaient Mahawira et ils prétendirent que c’est leur divinité qui lui donna ce nom. Mahawira vécut une vie fort aisée, car il était le fils d’un juge de sa ville. Il est à noter que la maison de son père était un lieu très fréquenté par les moines et autres anachorètes, car en effet ils y étaient fort bien accueillis et y recevaient l’hospitalité ; c’est ainsi que le jeune Mahawira fut amené très tôt à entendre ce que racontaient ces ascètes, en fait il buvait leurs paroles et donc il conçut au fonds de lui le désir de les rejoindre pour mener la même vie qu’eux. Toutefois, l’amour de Mahawira pour ses parents l’empêcha de dévoiler son intention, car il savait que même si ses parents aimaient à recevoir en leurs murs des ascètes, ils n’auraient absolument pas voulu que leur fils suive cette voie.
Après la mort de son père et l’accession aux plus hautes fonctions politiques de son grand frère dans leur province, et après une année d’exercice du pouvoir de celui-ci, Mahawira demanda à ce dernier qu’il lui permettre de suivre la voie du monachisme et de l’ascétisme, son grand frère accéda donc à sa requête.
Ainsi, Mahawira retira ses vêtements cossus pour se vêtir des défroques simples des ascètes et des moines, puis il se mit à parcourir le pays en long et en large méditant et réfléchissant sans cesse, se contentant de peu de nourriture et de boisson et subvenant à ses besoins avec de faibles sommes recueillies grâce à l’aumône. Après treize mois de cette pérégrination ascétique, il enleva tous ses vêtements et continua sa route complètement nu ; en effet, il considéra qu’il était arrivé à un niveau de l’imperturbabilité face aux passions et aux émotions, en somme il tua dans son âme ses plus bas instincts et penchants, il ne ressentait donc plus de pudeur, de souffrance, de joie et de bonheur !
Mahawira poursuivit donc cette vie monacale faite d’efforts continus et d’exercices spirituels durant encore douze ans, et ce, jusqu’à ce qu’il atteigne une forme d’illumination, voici comment ses disciples décrivent leur maître au sortir de ces années d’ascétisme : « Il se moque des calamités et des tempêtes, son cœur est aussi pur que l’eau de l’étang en plein hiver, les impuretés glissent sur son cœur comme l’eau sur la feuille de lotus, ses sens sont protégés comme la carapace protège les organes vitaux de la tortue, il est seul et unique comme la corne du rhinocéros, il est libre comme l’oiseau, il est courageux comme l’éléphant, il est fort comme le taureau, il est redoutable comme le lion, il est stable et solide comme une montagne, il est aussi profond que l’océan, il est doux comme la lune, il est éclatant de lumière comme le soleil et il est aussi pur que l’or le plus pur ».
Après avoir atteint ce degré de plénitude spirituelle, commença pour Mahawira une nouvelle période, celle durant laquelle il appela les gens à embrasser sa doctrine, laquelle rencontra un certain succès chez les gens qui ne supportaient plus de vivre sous régime hindouiste. Il appela donc sa famille, son clan et les gens de sa province à adhérer à son message, ce que la plupart d’entre eux firent sans rechigner. Il continua donc sa prédication jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 72 ans, puis il se rendit alors dans la ville de Panapuradans la province de Batna, il fit devant les gens de cette localité 55 sermons et répondit à 36 questions que personne ne lui avait posé, puis il mourut en 527 avant l’ère chrétienne.
Les Jaïnistes poussèrent très loin dans la recherche de la filiation de leur doctrine, c’est-à-dire qu’ils cherchèrent à savoir qui précéda Mahawira dans cette voie, ils trouvèrent 24 individus qui furent jaïnistes avant ce dernier. Le premier de ces pionniers fut un certain Rasapaha, il vécut il y a fort longtemps mais l’histoire ne donne aucun détail de sa vie ; puis, selon les croyances des Jaïnistes, les chefs de cette doctrine se succédèrent jusqu’à l’avènement d’un certain Parasunath, ce dernier instaura un système monacal extrêmement dur à travers lequel il poussa les adeptes à accomplir des retraites spirituelles très rigoureuses et austères ; puis, vint Mahawira qui embrassa les préceptes de Parasunath, auxquels il ajouta ses propres idées et les fruits de ses expériences avec une telle réussite qu’à partir de là les Jaïnistes ne se référèrent plus qu’à lui.
 

Les croyances des Jaïnistes :
Le jaïnisme s’oppose à l’hindouisme sur certains côtés et est en accord avec lui sur d’autres. Ainsi, le jaïnisme fut à l’origine d’une forme de révolution visant à rectifier certains préceptes de l’hindouisme qui avaient des effets néfastes sur la vie des gens. En effet, l’hindouisme produisit un système de castes puissant qui sema la discorde et la haine dans les cœurs des gens composant la société, et comme ce système avait été voulu – selon la croyance de hindouistes – par la divinité suprême, Mahawira décida de rejeter cette dernière et fit donc de sa nouvelle religion, une « religion athée ». Toutefois, une grande lacune se fit jour dans la doctrine jaïniste à cause justement de la non reconnaissance par Mahawira de cette divinité, en effet, la structure de la nouvelle religion ne pouvait être complète sans la reconnaissance de cette dernière ; en conséquence, les adeptes jaïnistes s’inventèrent leur propre divinité afin de combler cette lacune.
Parmi les croyances des Jaïnistes, on trouve également le refus radical du système de castes. Ainsi, dans cette vie chaque individu cherche un salut auquel il ne pourra parvenir qu’après avait fait d’immenses efforts dans ce sens ; cependant, les Jaïnistes considérèrent que tous les gens n’avaient pas la même capacité de pouvoir supporter leurs enseignements, ainsi ils divisèrent les gens non pas en fonction de leurs races mais plutôt selon leur capacité à pratiquer la voie qu’ils préconisaient : la première catégorie est celle de l’élite, cette dernière est constituée des individus qui ont la capacité d’accomplir les difficiles et âpres exercices spirituels, ainsi ils parcourent les pays les pieds nus et dépouillés de tout vêtement, ils patientent à la douleur, à la faim et à l’exposition de leur corps nu aux éléments avec pour ultime but l’obtention du salut ; la seconde catégorie rassemble les gens du commun, ceux là ne s’astreignent pas à la vie dure et austère de l’élite, ils respectent néanmoins scrupuleusement les enseignements du jaïnisme, ainsi par exemple ils n’attentent à la vie d’aucun être vivant, ils s’interdisent même de tuer des insectes, ils adoptent la morale et le comportement des jaïnistes et donnent l’aumône à leurs moines.


La voie de la réussite et du salut selon les Jaïnistes :
Selon la vision du monde des Jaïnistes, la vie est un calvaire continu et une succession de souffrances, de plus ses bienfaits sont éphémères, en somme la vie terrestre est vaine et futile. Pour eux, la seule voie pour obtenir le salut est d’y échapper en la fuyant, mais cela ne se fait pas aisément, car en effet la route du salut est longue, difficile et semée d’embûches, l’ascète jaïniste doit faire d’immenses efforts, des exercices spirituels austères et mener une vie d’abstinence et monacale afin d’accéder à un degré qui lui permettra d’en finir avec la vie en se suicidant. En effet, chez les Jaïnistes, le suicide est un moyen de se libérer de cette vie difficile et qui leur est insupportable, mais étant donné que c’est la récompense ultime dans cette vie, le suicide est réservé à l’élite, c’est-à-dire aux ascètes qui ont suivi à la lettre le système jaïniste et notamment les divers exercices spirituels contraignants et durs qui leur sont imposés.
Selon les Jaïnistes, le chemin du salut – selon leurs croyances – passe nécessairement par trois choses qu’ils appellent les trois rubis : le premier rubis est la croyance authentique, laquelle est l’élément fondamental qui mène au salut, la croyance authentique signifie concrètement qu’il faut croire au 25 grands chefs spirituels du Jaïnisme ; le deuxième rubis est la science authentique, cela signifie qu’il faut connaître les deux faces essentielles de ce monde, la spirituelle et la matérielle, et ce qui les sépare, ainsi l’individu qui sépare les influences du matériel de sa force spirituelle peut voir le monde sous sa vraie forme, apparaissent devant lui les réalités, le voile qui les cachait se soulève et il a alors la capacité de faire le distinguo entre la vérité et le faux, cet initié n’a plus donc aucun doute sur la réalité des choses ; le troisième rubis est la morale authentique, il s’agit en fait pour les adeptes du Jaïnisme d’adopter la bonne morale qui consiste notamment à ne tuer aucun être vivant, ne serait-ce qu’un insecte, à dire systématiquement la vérité, à être chaste et à ne rien posséder de matériel.
 

La nudité chez les Jaïnistes :
Parmi les aspects les plus étranges du comportement des moines jaïnistes il y a leur habitude de vivre et de déambuler dans une totale nudité. Ces derniers considèrent que cette attitude est le signe d’un niveau élevé de conscience et de pratique ; le moine atteint ce degré après avoir tué en lui tous les penchants, les désirs et les instincts naturels, qu’ils soient bons ou mauvais, alors il n’aime plus et ne déteste plus, il ne ressent ni joie ni tristesse et tout lui est égal, il ne ressent pas de douleur et ne jouie d’aucun plaisir, et c’est donc à ce moment là – selon leurs croyances – que le moine atteint le degré d’un bonheur extatique. Le signe que le moine a bien atteint ce haut niveau spirituel est simple à déterminer, s’il se débarrasse de tous ses vêtements et qu’il continue à sentir une gêne ou de la honte, alors c’est la preuve que ce moine a encore en lui des attachements pour la vie matérielle dont il ne s’est pas encore débarrassé complètement.
 

Les livres saints du jaïnisme :
En fait, les livres saints du jaïnisme se résument aux 55 discours de Mahawira ainsi qu’aux divers sermons et conseils attribués aux grands disciples, aux initiés, aux moines et aux ascètes du Jaïnisme. Toutes ces traditions se sont transmises de manière orale, et elles ne furent rassemblées qu’au quatrième siècle après l’ère chrétienne, époque à laquelle les chefs spirituels du jaïnisme se réunirent dans la ville de Patalipatra. Durant cette réunion, ils étudièrent la possibilité de rassembler en recueils toutes ces traditions orales, car ils craignaient qu’elles se perdent ou se mélangent à d’autres traditions. Ainsi, ils rassemblèrent la plupart de ces traditions dans des recueils, mais il subsista des divergences entre eux au sujet des sources et donc ils ne réussirent pas à mettre tout le monde d’accord sur les choix effectués et les décisions prises. Par conséquent, l’écriture de la loi du Jaïnisme ne put se faire qu’en l’an 357, à ce moment là les chefs jaïnistes consignèrent les traditions qu’ils purent retrouver car beaucoup d’entre elles avaient été perdues. Ainsi, au cinquième siècle après l’ère chrétienne, les chefs jaïnistes organisèrent une autre assemblée dans la ville de Walabahi durant laquelle ils prirent la décision finale et définitive au sujet des traditions jaïnistes qu’ils estimaient être authentiques et donc sacrées. La loi fut d’abord rédigée dans une langue appelée le Ardahamajdi, puis elle fut écrite en langue sanskrite.
 

Les diverses sectes du jaïnisme :
Après la mort de Mahawira, le jaïnisme se divisa en deux grands groupes : le premier groupe avait pour nom « Dijambara », ce qui signifie « ceux portant un vêtement céleste », il s’agit de ceux qui déambulaient nus et qui prirent le ciel comme seul protection ; le second groupe se nommait « Sawitampra », ce qui signifie « ceux portant un vêtement blanc ». Le principal point de divergence de ces deux groupes tournait autour des détails de la vie de Mahawira ainsi que sur des détails concernant le mode de vie ascétique et abstinent que doivent mener les Jaïnistes. Malgré tout, ces deux groupes se retrouvaient sur les préceptes fondamentaux du Jaïnisme.
 

La vision islamique sur le jaïnisme :
Après cette courte présentation de la religion jaïniste, le jugement de cette dernière par l’Islam apparaît plus qu’évident pour n’importe quel musulman ; ainsi, selon l’Islam, le jaïnisme fut d’abord un mouvement spirituel athée, puis devint une religion polythéiste, nous avons donc affaire là sans aucun doute à une religion totalement erronée et sans fondement.
Ceci étant dit, nous pensons qu’il est pertinent d’évoquer ici la manière dont l’Islam appréhende les besoins du corps et les aspirations de l’âme de façon équilibrée, à l’inverse des religions idolâtres indiennes qui inventèrent des solutions déviantes afin d’appréhender ces deux notions contradictoires. Il faut noter que toutes les religions indiennes polythéistes, et parmi elles le jaïnisme, ont une hostilité évidente et grand mépris envers tout ce qui a trait aux besoins naturels du corps. Selon ces diverses religions polythéistes, le corps n’est que le réceptacle de l’âme, par conséquent il ne mérite aucun respect ni aucune attention, au contraire, il doit être martyrisé et subir de lourdes épreuves afin de libérer l’âme des souffrances et des difficultés de cette vie terrestre.
Evidemment, toutes ces idées et conceptions sont issues d’une vision du monde erronée construite sur l’idée que le corps est une prison pour cette âme, et donc les besoins licites et naturels du corps gênent la progression de l’âme et son départ vers sa vie éternelle ; par conséquent, l’homme doit combattre ces besoins et en aucun cas les assouvir.
Cette approche erronée met en relief l’approche authentique qu’à l’Islam de la dualité fondamentale corps / âme. Ainsi, l’Islam a apporté une voie divine qui répond aux besoins de l’âme et du corps de manière parfaitement équilibrée, l’âme a des droits et le corps a aussi des droits, et en Islam il n’y a pas de conflit ni de contradiction entre ces différents droits. Allah, exalté soit-Il, a créé les désirs et instincts dans les âmes pour qu’ils soient assouvis de manière licite selon les lois divines, il ne faut donc en aucun cas les étouffer ou les tuer ; c’est ainsi qu’Allah a permis à la personne affamée de se nourrir, à celle qui a soif de boire et à celui qui a des désirs sexuels de les assouvir avec son épouse légale. Il est clair qu’en Islam, toutes ces aspirations et besoins corporels ne gênent en aucune manière l’épanouissement de l’âme et son élévation dans les degrés de l’adoration d’Allah. Le Prophète () est l’ultime et le meilleur exemple pour tous les musulmans, il adorait Allah, exalté soit-Il, avec assiduité mais cela ne l’empêchait pas de se marier et de fonder une famille, de manger des bonnes choses et de porter de beaux vêtements.
A travers notre courte démonstration apparaît clairement la grandeur de la nature de l’Islam qui est une révélation divine et céleste, mais apparaît aussi clairement l’impuissance de l’homme à créer un système facilitant sa vie ou à façonner une vision authentique du monde et de la vie. Donc, peu importe la puissance acquise par l’homme et l’étendue de ses connaissances et de sa compréhension, ce dernier a une capacité de conceptualisation et de compréhension de la réalité du monde très limitée, il est donc incapable de soulever le voiles qui cachent cette réalité.

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