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Le respect du contrat de la monogamie est obligatoire en Islam

Le respect du contrat de la monogamie est obligatoire en Islam

 

On sait qu'en Islam le mariage est un des contrats bilatéraux que la loi reconnaît et autorise. La notion chrétienne de sacrement - dirait-on - en est absente. Le raisonnement des juristes est que, chaque individu humain, masculin aussi bien que féminin, est en principe indépendant et jouit de la liberté totale. Pour réunir deux personnes en une association permanente et non passagère, il faut le consentement des deux parties, le contrat bilatéral. Comme dans chaque contrat, il y aura, en outre, une ‘Iwadh ou considération de la jouissance de quelque « propriété », en provenance d'une partie et en faveur de l'autre. Ce contrat pourra être assorti de conditions aussi, par consentement mutuel des parties, pourvu qu'elles soient autorisées par la loi.
Dans le contrat de mariage, la jouissance est tantôt en usufruit seulement - quand la femme est une personne libre - et tantôt propriété complète, comme cela fut le cas quand l'homme disposait d'une esclave (Milk Al-Yamîn). La contrevaleur, payée par le mari, en considération de la jouissance maritale est le Mahr (qu'il faut bien distinguer de la dot), un salaire d'honneur qui est la condition sine qua non d'un mariage d'un Musulman avec une femme.

Statut légal des « conditions » dans le contrat.
 
On tire la loi islamique des versets du Coran et des paroles du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallah), comme les suivants :
« Ô ! Les croyants ! Remplissez les contrats ('uqoud). » (Coran 5/1).
« La condition qui a le plus de droit d'être remplie est celle par laquelle vous légalisez pour vous les rapports sexuels. » (Hadith, cité par Bukhârî, Muslim, Ibn Mâjah, Abou Daoud, Tirmidhi, Dârimî et Ahmed Ibn Hanbal)
« Les Musulmans sont tenus par les conditions contractées par eux. » (Hadith cité par Bukhârî et Abou Daoud).
« Quiconque stipule une condition que le Livre d’Allah n'autorise pas, elle est nulle même si on la répète cent fois. » (Hadith cité par Bukhârî, Abou Daoud, Tirmidhî, Nasal Ibn Mâjah, et Ahmed Ibn Hanbal).

La stipulation de rester monogame.

Du temps du Prophète (), il ne semble pas qu'il y eût des contrats de mariage, obligeant le mari de rester monogame, tout au moins un litige ou une contestation portés par devant le Prophète. Car on ne signale pas un hadith à ce sujet, que je sache. Pour l'époque des quatre premiers califes, les Bien-guidés, on peut penser de même. Tous ont été polygames. Il est à remarquer que, Jésus Christ (béni soit-il) mis à part, les prophètes pré-islamiques étaient aussi des polygames.
Le pieux calife omeyade, 'Umar ibn 'Abd al-'Azîz est resté monogame, probablement par goût personnel, car on ne signale pas à son propos un contrat avec sa fiancée en ce sens. Le cas le plus ancien du contrat de la monogamie obligatoire que je connaisse est celui du calife 'abbasside Abou Ja'far al-Mansour (règne 136-158 H.)
 
Le calife Al-Mansour
 
Dans son Ta'rîkh (annales), anno 158 H., at-Tabari nous rapporte les faits suivants sur le calife al-Mansour : 'Ali ibn Muhammad rapporte d'après son père, ce dernier disant qu'al-Mansour avait stipulé en faveur de la Himyarite (Arwa) Umm Mûsà qu'il ne prendrait aucune co-épouse avec elle, même pas une concubine. Elle le lui fit rédiger par écrit, et elle le renforça en demandant l'attestation des témoins. Donc al-Mansour resta monogame pendant les dix premières années de son règne. Il écrivait aux juristes du Hidjaz, l'un après l'autre, leur demandant une fatwa (avis motivé sur la légalité de ce contrat). De même il faisait venir chez lui les juristes du Hidjaz et de l'Iraq, auxquels il montrait le document, afin qu'on lui donne la fatwa de permission (de la polygamie). Toutes les fois qu'Umm Mûsa apprenait une telle démarche, elle se dépêchait elle aussi et envoyait des cadeaux au (juriste).

Donc quand Abou Ja'far (Al-Mansour) lui montrait le document du contrat, il ne donnait pas l'avis de permission. Elle décéda dix ans après l'avènement d'al-Mansour au pouvoir. La nouvelle en parvint au calife quand il se trouvait à Halwan. Une centaine de proposition de mariage de jeunes vierges lui furent faites la même nuit. Umm Mûsa lui avait donné deux fils, Ja'far et Al-Mahdi (le futur calife).

D'autres détails :

Dans son livre intitulé Al-'lqd al-fafid (111, 53, éd. Bûlâql, Ibn 'Abd Rabbih rapporte ce qui suit, sur le calife Al-Mansour : « Il épousa la Himyarite Arwà fille de Yazîd ibn Mansour, qui lui donna ses fils Muhammad  et Ja'far.  Muhammad a pris le nom d’Al-Mahdi et devint calife après la mort de son père. Elle avait stipulé dans le contrat de mariage, qu'il ne prendra aucune co-épouse ni même une concubine, sauf si elle (sa femme) y consentait. Abou Ja'fr (Al-Mansour) avait acheté une esclave, Umm 'Ali, qu'il nomma gouvernante (qaiyim) dans son palais, au service d'Umm Mûsà et de ses enfants. Umm 'Ali trouva un si bon accueil auprès d'Umm Mûsà que cette dernière demanda elle-même à Al-Mansour de se servir d'elle comme concubine, cela en raison des vertus qu'elle trouva chez Umm 'Ali. Al-Mansour le fit, et lui fit un enfant, 'Ali, mais qui mourut avant d'atteindre même l'âge d'un an ».

Procès devant le tribunal :

Dans son livre intitulé Qudât Misr (p. 63-64, éd. Rome), Al-Kindi nous décrit la scène d'une des séances du tribunal d'Al-Mansour : « Ghauth ibn Sulaimân résida en Egypte pendant 23 ans dès son éloignement de la fonction de cadi en 144 H. Ce fut parce que la mère du calife Al-Mahdi - qui s'appelait Umm Mûsà bint Yazîd ibn Mansour ibn 'Abdallah al-Himyarîyah - eut un litige avec le calife Al-Mansour (son mari), et dit : Je n'accepterai que l'arbitrage de Ghauth ibn Sulaimân. On transporta ce dernier (de l'Egypte) en Iraq ; il arbitra entre lui et elle, puis rentra en Egypte. Muhammad ibn Yûsuf nous rapporte d'après lbn Qudaid, d'après Abou Nasr Ahmad ibn 'Ali ibn Sâlih, d'après Yasin ibn 'Abd al-Ahad qui dit : J'ai entendu mon père dire avoir entendu de la bouche de Ghauth ibn Sulaimân ce qui suit : Le calife Abou Ja'far (Al-Mansour) m'appela. On me transporta donc chez lui. Le calife me dit : Ô Ghauth, cette dame himyarite que vous connaissez, t'a fait arbitrer entre moi et elle concernant les conditions qu'elle a stipulées. Je dis : Est-ce que le Commandeur des Croyants (le calife) me nomme aussi arbitre pour son cas ? Il dit : Oui. Alors moi : L'arbitrage exige des conditions ; est-ce que le Commandeur des Croyants les supportera ? Il dit : Oui. Alors moi : Que le Commandeur des Croyants donne ordre à (Umm Mûsà) pour qu'elle nomme un fondé de pouvoir (wakil) et qu'elle fasse attester cette nomination par deux eunuques (khâdim) libres (non esclaves), eunuques que le Commandeur des Croyants reconnaîtra comme personnes dignes de confiance. Il le fit, et elle nomma un eunuque comme fondé de pouvoir, et lui fit porter le document du contrat de son mariage ; et deux (autres) eunuques attestèrent qu'elle l'a bien nommé comme fondé de pouvoir.

Alors moi : La nomination du fondé de pouvoir est maintenant complète ; est-ce que le Commandeur des Croyants voudra bien se rendre égal avec la partie adverse du litige? Le calife quitta son siège et s'assit avec la partie adverse (l'eunuque, fondé du pouvoir). Puis ce dernier me remit le document du contrat de mariage, et je le lis devant le (calife), puis dis : Est-ce que le Commandeur des Croyants reconnaît ce qui est là-dedans ? Il dit : Oui. Alors moi : Je vois que dans le document il y a des stipulations renforcées avec lesquelles le mariage s'est complété parmi vous deux. Vois-tu, ô Commandeur des Croyants, si tu avais demandé sa main à ses parents et si tu n'avais pas accepté cette condition, est-ce qu'ils l'auraient mariée à toi ? Il dit : Non. Je repris : Le mariage s'est concrétisé alors avec cette condition ; et qui est plus apte que toi pour la remplir ? Il dit : Je savais déjà, quand tu m'as fait asseoir ici, que tu allais arbitrer ainsi (contre moi) ».

Opinions des juristes postérieurs

Chaque ouvrage de fiqh (droit musulman) en parle. Nous avons consulté les ouvrages de toutes les écoles : malikite, chafi'ite, hanafite, hanbalite, zâhirite, et certains d'entre eux citent les avis des juristes antérieurs à cette épisode tels que Churaih (de l'époque du calife 'Umar), az-Zuhrî (de l'époque omeyade) etc. (Voir par exemple Al-Umm par ach-Châfi'i V, 65 ; Al-Muntaqà par Al-Bâjî, III, 296 ; Qawânîn al-ahkâm ach-char'îya par Ibn Juzaiy al-Gharnâtî, p. 242-243 ; al-Iqnâ’ par Abou-n-Najâ al-Maqdisi, III, 190 ; al-Muhallà par lbn Hazm, IX, 516-518, entre autres).

Tous considèrent que de telles conditions sont valides. Le littéraliste Ibn Hazm fait, comme d'habitude, cavalier seul. Il raisonne : « Si la femme stipule que le mari ne prenne pas une co-épouse ou une concubine, ou qu'il ne s'éloigne pas d'elle, ou qu'il ne la prenne pas en voyage avec lui, tout cela est chose illicite. Ceci et l'autorisation de manger le porc sont pareils, car chacun d'eux est contre le commandement de Dieu ›. Mais il ne dit pas quel verset interdit à l'épouse d'exiger des conditions. Au contraire, le Coran parle des conditions que Moïse avait acceptées pour épouser la fille du Prophète de Madyan.

Conclusion :
 
A notre époque ceux qui désirent imposer la monogamie, verront que les législations parlementaires ne sont pas nécessaires. La loi islamique, promulguée il y a 1400 ans, est mieux adaptée aux besoins, même du 20' siècle, que les législations les plus modernes, ne tenant compte ni de l'héritage islamique dans le domaine de droit, ni regardant un peu plus indépendamment et n'imitant pas servilement les législations étrangères. La polygamie n'est pas obligatoire en Islam, et elle persiste parce que les femmes musulmanes y consentent.

Toute femme peut exiger de son futur mari, dans le contrat de mariage, de rester monogame durant leur vie commune d'autant plus que le mariage ne peut avoir lieu sans son consentement express.
Dr. Hamidullah

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