Lorsque, pour faire un don, nous mettons la main à la poche ou nous prenons le stylo pour signer un chèque, nous devons nous rappeler que le Généreux, le Donneur sans limites, le Miséricordieux, le Procureur des substances nous regarde en ce moment et sait ce qu’il y a dans nos cœurs. Ce qui doit constituer une bonne raison pour nous hâter et pour agir promptement avant que Satan ne nous en dissuade, car il ne met en garde que contre la pauvreté, comme le dit Allah : « Le Diable vous fait craindre l'indigence et vous recommande des actions honteuses » (Coran 2/268). Cela est à l'opposé de ce qu’Allah a ordonné : « Certes, Allah commande l'équité, la bienfaisance et l'assistance aux proches. Et Il interdit la turpitude, l'acte répréhensible et la rébellion. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez.» (Coran 16/90). Une fois pleinement conscient de l'inimitié entretenue par Satan contre lui, l’homme s’empressera de contrarier ses intrigues, faibles par nature, pour tromper sa vigilance afin de pouvoir passer à l’acte à son insu. C’est pourquoi il lui est recommandé de cacher son acte, même à lui même, pour avoir sa récompense multipliée : « Si vous donnez ouvertement vos aumônes, c'est bien ; c'est mieux encore, pour vous, si vous êtes discrets avec elles et vous les donniez aux indigents. Allah effacera une partie de vos méfaits. Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. » (Coran 2/271). Il a été rapporté, de sources authentiques, que le Prophète () a dit : « Il y a sept catégories de personnes qu’Allah accueillera sous Son ombre au jour où il n’y aura aucune ombre sauf la Sienne : un dirigeant juste ; un jeune qui a grandi dans l’adoration d’Allah, le Puissant et Majestueux ; un homme dont le cœur est attaché aux mosquées ; deux personnes qui s’aiment pour Allah, qui se rencontrent pour cette raison et se quittent sur le même sentiment ; un homme qu’une femme de grande beauté et de statut social important appelle à elle et qui refuse en disant : « Je crains Allah » ; une personne qui donne en charité si discrètement que sa main gauche ignore ce qu’a donné sa main droite ; et une personne qui, dans la solitude, pense à Allah et se met à pleurer doucement. » (Rapporté par Boukhari et Mouslim).
La charité permet à l'homme de contrecarrer les astuces de Satan qui, toujours, s’efforce de trouver à celui-ci mille et un prétextes pour ne pas faire de la charité ou, tout au moins, pour la retarder autant se faire que peut . Il y a même certains vertueux qui n’en sont pas à l’abri. Ainsi, quand ils décident de faire une charité, Satan leur suggère de n’en faire qu’en faveur de leurs enfants qui, prétend-il, en ont grand besoin. Alors s’engage une dispute entre les deux à l’issue de laquelle le vertueux insiste sur le fait qu’il doit absolument mettre quelque chose en réserve pour l’au-delà. Dans ce cas Satan lui propose de le faire dans le cadre d’un testament qui sera exécuté après sa mort. Or le Prophète () a montré qu’une telle démarche relève tout simplement de l'avarice : « Arrivé au dernier souffle, le mourant se met à dire je laisse telle part à tel ou tel alors que c’est déjà réglé », car tout est prédestiné. Il reste, comme le dit le Prophète (), que « La meilleure charité est celle que l’on fait alors qu’on est encore en bonne santé et dans un besoin qui pousse à craindre de devenir pauvre ». En fait, on ne peut vaincre les astuces de Satan que lorsque, étant en bonne santé et dans un besoin qui nous pousse à l’avarice, on prend une partie des biens qu’on a gagnés à grande peine et au prix de beaucoup de notre temps et on les dépense dans l’espoir de gagner l’agréement d’Allah le Tout-Puissant.
Les machinations de Satan ne sont pas limitées à un aspect particulier. C’est ainsi que quand il n’arrive pas à dissuader le bienfaiteur d’agir dans le bon sens, il essaye quand même de faire en sorte que son acte ne porte que sur des choses défectueuses ou de peu de valeur en lui conseillant fortement de laisser en réserve pour lui-même les choses précieuses. C’est pourtant ce contre lequel Allah a mis en garde quand il s’agit de la charité obligatoire : « Et ne vous tournez pas vers ce qui est vil pour en faire dépense.» (Coran 2/267). Cela veut dire qu’on ne doit pas choisir les objets défectueux ou de mauvaise qualité pour les donner pour l'amour d’Allah alors que « Et ne donnez pas ce que vous-mêmes n'accepteriez qu'en fermant les yeux » (Coran 2/267), c’est-à-dire que si quelqu’un vous devait un montant d’argent et qu’en vous payant il vous propose des objets de ce genre, vous aurez du mal à accepter son offre à moins de vouloir laisser une partie de vos droits et donc de ne pas être exigeant avec lui .
Toutefois, le Prophète () a dit à Mu’adh lorqu’il l’envoya au Yémen pour recolter la Zakat des habitant de cette contrée : « Méfie toi des biens précieux des gens et prends garde de l’invocation de l’opprimé, car aucun voile ne la sépare d’Allah ». Mais ici cela s’adresse à celui qui est chargé de prendre la Zakat que doivent donner les autres, car il est interdit de prendre le bien d’un musulman sans son consentement sans équivoque. À lui seul donc de se résoudre librement à donner ce qu’il met en réserve pour lui-même. Un jour le Prophète () a dit à ses Compagnons : « Qui d’entre vous préfère les biens de ses héritiers à ses propres biens ? » Ils répondirent tous : « Il n’y a personne parmi nous qui ne préfère ses propres biens à ceux de ses héritiers ». « Eh bien, dit le Prophète (), vos biens sont ceux que vous mettez en réserve pour la vie future et les biens de votre héritier sont ceux que vous laissez dans cette vie ». Il a dit encore : « Le fils d’Adam dit : "Mes biens, mes biens". Est-ce que tu as, ô fils d’Adam, des biens autres que ce que tu as mangé et digéré ou ce que tu as porté comme vêtements et usé ou ce que tu as donné en aumône et que tu as mis de côté (pour ta vie future)! ». En tout cas ce sont les biens qui accompagnent le mort dans sa dernière demeure comme l’a dit le Messager d'Allah : «Il y a trois choses qui suivent le mort, deux reviennent et une seule reste : sa famille, son argent et ses œuvres (bonnes ou mauvaises) le suivent et sa famille et son argent reviennent tandis que ses œuvres restent avec lui ».
Ceux qui dépensent des biens licites défient Satan et le vainquent en passant outre ses injonctions et en le prenant pour ennemi comme on leur en a intimé l’ordre de le faire. D’ailleurs Allah a résumé la nature de Satan et la conduite à tenir vis-à-vis de lui en un seul verset : « Le Diable est pour vous un ennemi. » (Coran 35/6). Voila donc des informations sûres parce que tout à fait vraies « Prenez-le donc pour un ennemi.» (Coran 35/6). C’est cela donc la réalité de Satan. Nous devons la croire et agir en conséquence. Mais attention, on ne saurait traiter Satan convenablement comme un ennemi que lorsque nous le combattons, car quiconque lui obéit en se conformant à ses ordres n'est certainement pas un ami d’Allah mais plutôt de Satan. De même que celui qui arrive à faire dérober à Satan les largesses qu’il fait, qui s’efforce de contrecarrer ses desseins et qui prend le contre-pied de tout ordre émanant de lui pour effectuer des dépenses, n’est certainement pas l’ami de Satan mais plutôt son ennemi, il est l’ami d’Allah. En conséquence on peut dire que le bienfaiteur de bonne foi reçoit assistance et orientation de la part d'Allah contrairement au malfaiteur de mauvaise foi.
Allah a donné l’exemple pertinent du rocher sur lequel s’accumule de la terre qui, à l’arrivée de la pluie, est balayée sans que rien n’en reste et alors le rocher redevient dénué du sable qui le couvrait. C’est aussi le cas de l’homme de mauvaise foi. L’argent s’accumule autour de lui comme de la terre qui, à l’arrivée de la pluie, est balayée et alors rien ne reste pour le défendre contre les facteurs de l'érosion.