Première condition, le consentement mutuel :
La vente n'est valable que s’il y a consentement mutuel entre les deux parties, Allah a dit : « Mais s'il s'agit d'une marchandise présente que vous négociez entre vous » (Coran 2/282). Mais comment peut-on réaliser la condition du consentement ?
Les oulémas ont trois avis concernant la réalisation de la condition du consentement en matière de vente. Il s’agit d’une question importante, car, de nos jours, beaucoup de cas délicats se sont posés à ce sujet. Il t’arrive, par exemple, de mettre de l'argent dans des distributeurs automatiques vendant des rafraichissements et tu obtiens donc la boisson de ton choix. Y a-t-il eu, dans ce cas, consentement entre le vendeur et l'acheteur ? Et, si tu achètes par carte de crédit sur Internet, y a-t-il eu consentement dans ce cas aussi ?
Les oulémas ont trois avis à ce sujet :
a) Le consentement mutuel ne peut intervenir que verbalement, c’est-à-dire par l’accord et l'acceptation ce qui, actuellement, soulève un problème parce que certaines grandes transactions financières ont lieu, par exemple, dans le marché boursier, sans accord préalable ni acceptation verbale mais par l’intermédiaire d’un ordinateur dans un réseau mondial international utilisant des moyens ayant la force de l'accord et de l'acceptation verbale et qui sont même plus puissants et plus crédibles.
b) Le consentement mutuel est, à priori, par les mots mais il peut aussi être par les actes dans les cas où beaucoup de contrats sont nécessaires. Il s’agit d’une accommodation de la part de certains jurisconsultes adeptes du premier avis. Un exemple de cela est le fait de donner de l'argent au boulanger et, qu’en contrepartie, il te donne du pain, tout en restant, chacun de vous, silencieux ou que tu prennes un taxi dont les tarifs sont connus et que tu le payes sans rien dire ; c’est aussi le cas des distributeurs automatiques de rafraichissements susmentionnés. C’est ce que les jurisconsultes appellent al-mu’atat (transaction mutuelle) et ils font valoir que les cas qui demandent à chaque fois un contrat peuvent faire l’objet de vente par transaction mutuelle sans nécessité d’accord ou d'acceptation verbale.
c) Le consentement mutuel doit être donné par tout geste ou toute parole qui le signifient ; c’est le point de vue de Cheikh al-Islam ibn Taymiyya qui, à propos, était un génie qui pouvait anticipait les événements. On dirait qu’il était en avance sur son époque.
Parmi les exemples de cela il y a, comme précédemment indiqué, les transactions via la bourse qui se passent en quelques instants voire en quelques secondes par un système convenu entre les sociétés et les contractants de façon qui indique le consentement. Ce sont des procédures si correctes que rien n’entache leur validité. Cette disposition – c'est-à-dire la validité de la vente par ‘transaction mutuelle’ dans tous les cas où le consentement est signifié par acte ou par parole – englobe tout les cas qui viendront à l’avenir et qu’on ignore encore aujourd'hui.
Mais il est nécessaire que cela soit précédé par un accord entre les sociétés et entre le vendeur et l'acheteur sur un système spécifique qui reflète le consentement tel le numéro de la carte visa sur Internet qui exprime l’avis de son propriétaire qui, s'il n'était pas satisfait, n'aurait pas, lors de l'achat du produit, introduit son propre numéro secret. Dans certaines transactions on pourrait donner ce numéro par téléphone pour exprimer l’accord et ainsi de suite. Ce qui est important c'est qu'il y ait un moyen qui permette de respecter cette exigence entre les contractants et il n’est point nécessaire d’avoir l’accord préalable ou l'acceptation verbale.
Deuxième condition, l'exigence de la raison :
Les oulémas excluent de l'obligation de la raison, la vente par une personne qui peut distinguer des articles légers dont les prix sont plus ou moins connus par tout le monde. Par exemple lorsqu’un enfant qui sait déjà distinguer dit à son père : « J'ai vendu notre maison pour telle et telle personne » alors cette vente n'est pas valable mais s’il vend des bonbons dans l'épicerie de son père la vente est valable selon les us et les coutumes.
La vente faite par une personne stupide n’est pas valable. Est stupide toute personne qui utilise ses biens d’une manière qui indique qu’elle n’est pas raisonnable et que donc elle doit être soumise à certaines restrictions. C’est dire que la transaction ne peut être conclue qu’entre deux adultes jouissant de leur raison. Quelqu’un pourrait, à juste titre, soulever le cas d’une transaction faite par l’intermédiaire de la machine et la manière par laquelle la condition de la raison peut y être vérifiée. En fait, ici la transaction est essentiellement réalisée avec la société qui a mis en place la machine dont le rôle se limite à l’encaissement.
Troisième condition, l’objet vendu doit être un bien :
Les biens en Islam englobent ceux qui sont licites et que donc on peut posséder par opposition à ceux qui ne le sont pas et donc, par conséquent, non respectables pour constituer des biens susceptibles de faire l’objet d’un contrat. D’ailleurs, en cas de dommage, de tels biens ne nécessitent pas, légalement, une garantie qui entraîne réparation car ils n'ont aucune valeur. C’est le cas, par exemple, des instruments de musique. L’obligation pour l’objet vendu d’être un bien est une disposition très importante dans les transactions contemporaines.
En voici quelques exemples :
- La vente des organes humains constitue actuellement un marché en plein essor, avec des entreprises internationales qui achètent et vendent dans les pays pauvres et où chaque organe à son propre prix, est-ce valable ? Il ne s’agit pas, à vrai dire, d’une opération valable parce que les membres ne sont comptés comme étant un bien, mais plutôt un don de la part d’Allah à Son serviteur.
Le cas est tout de même si important qu’il paraît qu’on a soumis à la Haute Instance des Grands Oulémas d’Arabie Saoudite la question de l’achat des dépouilles mortelles pour les besoins de l'apprentissage de la médecine qui est une nécessité urgente. Il s’agit donc d’un cas non encore résolu, cependant, cela met en exergue la nécessité d’avoir, parmi les musulmans, des oulémas qui ont des connaissances sérieuses sur les deux questions importantes que sont : les règles juridiques générales qui régissent la Charia et les textes de cette dernière.
La compréhension du texte dans le contexte des règles juridiques diffère de sa compréhension hors contexte, car le premier permet de comprendre correctement alors que le deuxième entraîne une compréhension erronée.
La réponse donnée par les plus éminents oulémas est qu'il n'est pas permis d'acheter la dépouille mortelle d’un musulman ou de l’utiliser pour les besoins de l'enseignement étant donné le caractère sacrosaint du musulman, tandis que celle du non musulman peut, dans le cadre du choix du moindre mal, être utilisée pour les dits besoins. Une telle fatwa est valable, car le non musulman ne jouit pas du même statut sacrosaint que le musulman.
Parmi les exemples dans ce domaine, il y a le fait qu'il n'est pas permis de vendre le sang parce qu’il est impur et qu’il ne constitue pas un bien. C’est le cas aussi du chien parce qu’il est interdit et, de ce fait, ne constitue pas un bien même si, selon une certaine opinion, il est permis de le vendre s’il peut être utilisé.
Quatrième condition, l’objet vendu doit être la propriété du vendeur :
Il s’agit d’un cas si répandu que ceux qui, de prés ou loin, n’en ont pas été touchés sont plutôt rares. En effet, beaucoup, sinon la plupart achètent leurs voitures et même leurs maisons par la Murâbaha dans certaines banques islamiques.
Or, justement il y a eu objection à la vente par la Murâbaha en raison de l’absence, dans une telle opération, de l’obligation de la possession par le vendeur, en l’occurrence la banque islamique, de ce qu’il vend et que donc il ne lui est pas permis de vendre ce qu'il ne possède pas.
Par exemple : si une personne vient te voir pour te dire : « Je veux acheter la voiture de ton ami » et que tu lui dis : « D'accord, je te la vends » en ayant l’intention que tu vas l’acheter à ton ami avant de la vendre en son nom et que cette personne répond : « J'achète». Alors ce contrat est non valable, car le propriétaire de la voiture peut, à tout moment, venir et refuser la vente. C’est pourquoi le Prophète () a interdit ce genre de vente en disant : « Ne vends pas ce que tu n'as pas » (rapporté par Ahmed et Ashâb al-Sunân d’après Hakîm ibn Hizâm qu'Allah soit satisfait de lui).
Est-ce qu’en vendant des voitures ou des biens d'autres sociétés, certaines banques islamiques les possèdent ou bien vendent-elles ce qu’elles ne possèdent pas ?
Il est bien entendu que le client quand il vient voir une banque islamique pour acheter une voiture, par exemple, celle-ci lui dit : « Je te la vends » voulant par là dire « je te vends la voiture que tu choisiras parmi celles se trouvant dans les sociétés sur le marché ».
Est-ce que certaines banques islamiques possèdent les voitures ou les biens d'autres sociétés qu’elles vendent ou bien vendent-elles ce qu’elles ne possèdent pas? Mais comment pourront-elles se les procurer ? Est-ce qu’elles vendent ce qu’elles possèdent ?
Certains jurisconsultes ont essayé, de la façon suivante, de trouver pour la banque islamique une issue pour sortir de cette problématique :
Premièrement: le client promet à la banque islamique d’acheter et celle-ci promet de lui vendre et alors les deux parties signent (la promesse). La signification du document signé entre les deux parties pour la promesse est que la vente n'a pas encore eu lieu mais que nous te promettons de te vendre après avoir acheté le produit que tu as promis de nous acheter.
Deuxièmement : la banque rend le dit document contraignant. En effet, quand, en venant à la banque islamique, tu signes la promesse d'achat tu deviens obligé de compléter le processus. Certains, pour contourner la problématique de la vente par le vendeur de ce qu’il ne possède pas, font valoir qu’il ne s’agit pas d’une opération de vente mais seulement d’une promesse et que comme le musulman est responsable et comptable de sa promesse il est donc obligé de l'accomplir.
Troisièmement : après cela la banque islamique donne à la société la valeur de la marchandise en espèces et la fait transférer à l’acheteur par versements tout en réalisant un bénéfice déterminé, ce qui lui permet de garantir que l'acheteur ne se désiste pas et que son bénéfice soit assuré.
Cheikh Muhammad al-Achqar a rédigé une note dans laquelle il a montré qu'une telle transaction est nulle et qu’il n’est pas permis d’obliger le client à vendre au moment de la promesse d'achat car, cela donne l’impression que la banque vend ce qu’elle ne possède pas. En outre, il a indiqué dans les détails que la promesse n’engage pas. Il s’est demandé, par la même occasion, si la promesse d'acheter engage en justice ou en rétribution dans l’au-delà ?
Cela veut dire que si je te donne une promesse d’achat non suivie et, qu’en conséquence, tu me cites en justice est-ce que le juge a le droit de m’y obliger ? « En rétribution dans l’au-delà » veut dire que, au cas où la justice ne me punit pas, est-ce que j’aurai commis un péché si je renie ma promesse et que donc je dois m’en repentir ?
Il a montré que dans ce cas la promesse d’acheter n'est pas contraignante et qu’il incombe, par obligation, à la banque islamique d'acheter l'article à la société et de le posséder par un contrat officiel qui tient lieu de possession avant de pouvoir le vendre ensuite au client sous forme de versements où les bénéfices sont pris en compte. La banque islamique n’a pas le droit de contraindre le client en vertu de la simple promesse de compléter le marché, car au fond cela correspond à une vente même si elle est sous forme de promesse.
Les astucieux ont découvert une autre ruse selon laquelle la banque islamique procède à l’achat de l’article par un contrat officiel avec la société à laquelle le client demande une marchandise. Or le contrat vaut possession. Mais aussi l’accord et l'acceptation par le téléphone suffisent, de sorte qu’il ne reste plus alors à la banque que la signature du contrat de la vente avec le client avant de vendre à ce dernier la marchandise en tranches et de compléter ensuite l’opération avec la société.
Mais même cette opération est aussi illicite, car il ne s’agit que d’une manière destinée à modifier, uniquement pour les besoins de la tricherie, les procédures suivies par les sociétés usurières de facilitation et celles utilisées par la banque islamique. Or on rapporte un hadith authentique selon lequel le Prophète ( ) a «interdit la vente des marchandises dans les lieux où elles ont été achetées tant que les marchands ne les ont pas transportées à leur propre espace » (rapporté par Abou Dawoud d'après Zayd ibn Thâbit).
Cela signifie que le marchand doit, après acquisition, posséder la marchandise s'il veut la revendre. Or, la possession d’une marchandise dépend de la nature de celle-ci ce qui ne veut pas dire nécessairement son transfert, dans tous les cas, où se trouve le vendeur, car il pourrait s’agir d’avions, de navires ou d’un grand nombre de voitures que le vendeur ne peut pas transporter. L’essentiel est que la marchandise lui soit acquise et qu’elle soit entrée en sa possession en vertu, par exemple, de papiers officiels ayant force de loi pour prouver que la marchandise est bien en possession de la banque et qu’elle est enregistrée à son nom, de sorte que, au cas où l'acheteur désiste, la marchandise est déjà complètement à la disposition de la banque.
Il convient de souligner dans ce cadre que, parmi les modalités de la vente des marchandises avant leur possession, il y a ce qui arrive parfois dans le cadre des ventes du tawarruq. Par exemple, on trouve quelqu’un qui, parce qu’il a besoin d'argent, s’en va acheter, par tranches, une quantité, disons, de ciments. Après signature du contrat d’achat, il vend directement son ciment à un entrepreneur à un prix inférieur payé comptant et cela avant la possession de la marchandise et même sans savoir où se trouve celle-ci. Ce genre d’opérations n’est pas valable parce que la vente par le marchand d’une marchandise avant sa possession est interdite. Mais en cas de séparation des marchandises et leur désignation pour l'acheteur qui, ensuite, les vend à l'entrepreneur, cela entre dans le cadre du tawarruq au sujet duquel persiste un désaccord célèbre. Parmi les oulémas, on en trouve qui l’interdisent catégoriquement, d’autres qui l’autorisent sous réserve de la possession absolue et d’autres encore qui l’admettent mais seulement après possession pour le besoin.
Nous nous rappelons tous que ‘la crise du climat’ a eu uniquement pour origine la violation de cette condition à savoir la possession de la marchandise avant sa vente. Des actions de sociétés fictives ont été vendues à terme parce que celui qui les a achetées espérait les revendre pour obtenir des bénéfices avant l’échéance du terme pour qu’il soit en mesure de payer sa dette. Mais voilà que le marché fictif s'est effondré, que la dette n’est pas payée et que l'Etat a dû faire face à une très grande crise qui n’a que trop duré.
Cinquième condition, la capacité de livraison :
Il s'agit d'une condition sine qua non, parce qu’en l’absence de livraison, le but de la vente n’est pas atteint. Par exemple, il est interdit de vendre du poisson dans l’eau, des oiseaux dans l'air ou des marchandises dans un pays en guerre parce qu’il s’agit là de produits qu’on ne peut pas livrer, d’où l’invalidité de la vente.
Sixième condition, la désignation du prix :
Le prix est fixé par l'observation ou la description.
Septième condition, la connaissance de la marchandise :
Egalement par observation et description. Exemple, si quelqu’un dit : « Je te vends une voiture » et que l'autre répond en disant : « Je l’achète » alors nous sommes en présence d’une transaction qui n’est pas valable parce que ni la voiture ni son prix ne sont connus. Même s’il avait dit : « Je te vends une voiture à cinq mille » la transaction ne sera pas non plus valable parce que la monnaie n’est pas précisée. Or celle-ci doit être déterminée à moins qu’elle ne le soit déjà par la coutume. Mais sur l’Internet, par exemple, la monnaie doit être précisée.
Quant à l’observation, elle peut se faire par les moyens qui véhiculent le son et l'image, ce qui, si ceux-ci sont fiables, suffit à observer et à voir la marchandise, mais l'acheteur garde tout de même l'option de choisir au cas où la réalité de ce qui a été observé se révèle différente.
Ainsi est-il permis pour un homme en Arabie Saoudite de se marier avec une femme en Indonésie en ayant ses témoins au Koweït dans un cyber internet ! Est-ce qu’un tel contrat est valable ? C’est en tout cas une question qui doit être étudiée de façon approfondie.