Qui est Martin Lings ?
Martin Lings est né à Burnage au Lancashire en janvier 1909 et il passa une partie de sa prime enfance aux Etats-Unis, car son père y travaillait. Sa famille était chrétienne d’obédience protestante, mais elle ne connaissait rien à une religion qu’elle avait reçue en héritage sans vraiment pratiquer. C’est donc dans ce vide spirituel et sans croire profondément à un dogme qu’a grandi Martin Lings.
Après son retour en Angleterre, Martin Lings intégra le lycée Clifton College où il se découvrit un don naturel pour le commandement, ce qui l’amena à devenir le président des étudiants. Puis il rejoignit après ça l’université d’Oxford où il étudia la langue et la littérature anglaises, et c’est après l’obtention de son diplôme en littérature anglaise que sont apparus clairement les premiers traits de sa maturité intellectuelle, il commença donc à faire des recherches poussées dans les livres d’histoire et d’anthropologie sur les diverses religions répandues à travers le globe, son but étant de lire et de se faire une idée sur toutes les religions. Mais à travers ses longues lectures, l’attention de Martin Lings se porta tout particulièrement sur l’Islam qui était une loi divine dont les règles s’accordaient avec la logique et la raison et dont la morale imprégnait l’âme et la sensibilité.
Après ses études anglaises, Martin Lings choisit de partir en Lituanie où il enseigna la langue anglaise contemporaine ainsi que l’anglais médiéval, et concomitamment il s’intéressa à la culture lituanienne ancienne par le truchement des chansons populaires et de la poésie de ce pays.
En 1939, Lings voyagea en Egypte afin de visiter un vieil ami à lui qui était enseignant à l’université du Caire ainsi que dans le but d’étudier l’Islam et la langue arabe. Mais son ami décéda par accident et on lui proposa donc de prendre son poste à l’université.
L’histoire de la conversion à l’Islam de Martin Lings :
C’est donc en Egypte que Lings décida d’embrasser l’Islam, et ce, après avoir rencontré de nombreux adeptes du soufisme affiliés à la Shâdiliyya, qui est une confrérie soufie bien connue. Très rapidement se manifestèrent en lui l’influence de sa pratique religieuse et de l’ascèse soufie ; par ailleurs, il se choisit comme nom musulman Abû Bakr Sirâdj al-dîn et devint un ami proche du penseur et écrivain français converti à l’Islam René Guénon, lequel était connu en Egypte sous le nom de ‘Abd al-Wâhid Yahyâ. Il est important de dire ici que ce dernier eut une influence décisive sur la pensée du converti anglais qui adhéra par exemple complètement à la critique radicale de la civilisation occidentale produite par Guénon, voici notamment ce que dit Lings au sujet de son maître et ami : « Il m’influença beaucoup et ses écrits m’amenèrent à m’intéresser à l’Islam, c’est un grand auteur, de plus comme moi il s’est converti à l’Islam et c’est en sus un grand soufi, je parle ici du cheikh (‘Abd al-Wâhid Yahyâ). J’ai été très influencé par les ouvrages qu’il a rédigés sur l’Islam, je peux même dire que je n’avais jamais lu avant des livres aussi puissants que les siens, c’est ce qui m’a poussé à faire la rencontre de celui qui fut la cause de ma conversion à l’Islam, je suis donc venu en Egypte, pays où il vivait à ce moment-là […] J’ai beaucoup appris de lui, il était sans nul doute un vrai savant mettant en pratique son savoir, et ce que j’ai le plus appris à ses côtés est incontestablement la pratique de l’ascèse dans ce bas-monde, c’est ce que vous autres appelez le « soufisme » ». Voici justement ce que dit Martin Lings au sujet du soufisme : « Selon moi, le soufisme n’est pas une fuite du monde d’ici-bas, mais il consiste plutôt à vivre pleinement sa vie en apparence et à s’en écarter par le cœur ; le Prophète () a résumé totalement ce qu’est le soufisme dans ce noble hadith : « Soit dans ce bas-monde comme si tu étais un étranger ou un voyageur » ou bien dans cet autre hadith : « Je suis dans ce bas-monde comme le voyageur qui se fait une pause à l’ombre d’un arbre puis s’en va en le laissant derrière lui ». C’est là la compréhension du soufisme que j’ai apprise auprès du cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ ».
Il est dit que le cheikh qui assista Martin Lings dans sa conversion à l’Islam était un Algérien dont le nom était cheikh Ahmad al-‘Alawî. L’Anglais l’avait rencontré en Suisse où il travaillait comme professeur, et c’est après sa conversion qu’il décida de changer son nom. Après ça, Lings sentit clairement que son âme s’épanouissait dans cette religion qui s’accorde parfaitement à la nature originelle de l’homme, il dit à ce propos : « Grâce à l’Islam je m’étais retrouvé, car jusqu’à là durant toute ma vie j’avais été perdu, à ce moment-là j’ai ressenti pour la première fois de ma vie que j’étais un être humain, c’est une religion qui ramène l’individu vers sa nature profonde ce qui amène ce dernier à être en parfait accord avec la nature originelle de l’homme » ; il poursuivit et conclut en disant : « Plaît à Allah que je sois musulman, et quand Allah veut quelque chose, rien ni personne ne peut arrêter son décret, c’est là, et avant toute chose, la cause de ma conversion à l’Islam ».
C’est donc là l’histoire de la conversion à l’Islam du penseur anglais Abû Bakr Sirâdj al-dîn, lequel a passé une partie de sa vie dans une autre religion, c’est alors qu’Allah le guida vers la vérité, il embrassa donc l’Islam avec une complète conviction, puis sa foi augmenta et il vécut en ascète dans ce bas-monde et en soufi dans des sociétés submergées par les tentations et les jouissances à portée de main, il se consacra ensuite dans son pays à la prédication islamique parfaitement convaincu que le futur appartient à l’Islam qui est la religion vraie révélée pour le monde entier.
Martin Lings vécut en Egypte durant les années quarante, il y enseigna à l’université des lettres la pensée et la littérature de William Shakespeare. Il s’y maria en 1944 avec Lesley Smouley qui vécut avec lui durant près de soixante ans et qui fut celle qui raconta son histoire, leur domicile se trouvait à la campagne près d’un petit village non loin des pyramides, il fut, durant la présence de Lings au Caire, un havre de paix et un refuge pour de nombreux Egyptiens ou étrangers que la vie moderne épuisait. Notons que Martin Lings aurait aimé passer le restant de sa vie en Egypte, mais ce pays connut des événements politiques qui le poussèrent à le quitter. En effet, en 1952 une grande insurrection suivit les manifestations antibritanniques, lesquelles étaient la conséquence du prolongement de la colonisation de l’Egypte par les Anglais, l’ingérence de ces derniers dans les affaires intérieures de ce pays, la dégradation de tous les aspects de la vie des Egyptiens ou encore la succession interminable des victimes qui tombaient sous les balles de l’occupant qui ne faisait preuve d’aucune compassion ni d’aucune pitié. Il se trouve que durant ces manifestations trois des amis de Martin Lings de l’université périrent, puis tous les professeurs anglais de l’université du Caire furent congédiés sans recevoir aucune indemnisation.
Ainsi, Martin Lings fut contraint de rejoindre l’Angleterre, il s’installa à Londres où il paracheva son étude de la langue arabe au sein d’une école spécialisée dans les études orientales et africaines à Londres. En 1962, Martin Lings obtint un doctorat consacré au cheikh Ahmad al-‘Alawî, lequel fut édité en livre dont le titre était Un saint soufi du vingtième siècle, celui-ci est l’un de ses ouvrages les plus marquants, car il y propose une description unique et vue de l’intérieur de la spiritualité islamique, ce livre fut par la suite traduit dans diverses langues comme le français, l’espagnol et bien d’autres encore. A partir de là, Martin Lings fut considéré comme l’un des historiens de référence pour ce qu’il s’agit du soufisme.
Notons qu’en 1955, parallèlement à ses études, Martin Lings commença à travailler pour le British Museum, il y fut nommé responsable des anciens manuscrits orientaux, de même qu’il fut nommé responsable des nobles manuscrits du Coran, cette dernière fonction l’amena naturellement à s’intéresser plus particulièrement à la calligraphie coranique, il en tira un livre intitulé L’art de la calligraphie et de l’enluminure coranique, lequel parut en 1976. Par ailleurs, Martin Lings produisit deux catalogues sur les anciens manuscrits arabes, lesquels furent déposés au British Museum en 1959 et à la British Library en 1976.
Les contributions littéraires de Martin Lings :
Avant son départ d’Egypte en 1952, Martin Lings avait édité un livre dont le titre était Le Livre de la Certitude : la doctrine soufie de la Foi, de la Vision et de la Gnose, et alors qu’il était en licence d’arabe, il édita un livre sur le Prophète () intitulé tout simplement La vie de Mohammed le Prophète d’Allah, il rédigea ce dernier ouvrage en s’appuyant sur les sources les plus anciennes.
Le décès de Martin Lings :
Le grand historien du soufisme Abû Bakr Sirâdj al-dîn/Martin Lings, connu et reconnu notamment pour sa biographie du Prophète (), s’est éteint le matin du 12 mai 2005 à l’âge de 96 ans.
En dépit de l’âge très avancé d’Abû Bakr Sirâdj al-dîn au moment de son décès, sa disparition fut un grand choc pour tous ceux qui venaient durant toutes ces années pour recevoir de lui des conseils spirituels. A ce propos, notons que dix jours avant sa mort il avait parlé devant une assemblée de plus de 3000 personnes lors d’une conférence qui se tenait au Centre Wembley, il revenait alors d’une tournée marathon dans certains pays arabes comme l’Egypte, Dubaï, le Pakistan ou encore l’Indonésie.